Ophtalmologie: Sous l’égide du Collège des ophtalmologistes universitaires de France

CHAPITRE 12: Item 335 Brûlures oculaires

Pr H. Merle,     CHU de Fort-de-France

Situations cliniques de départ

Une brûlure oculaire peut être évoquée dans les situations cliniques suivantes.

image 138 – Anomalie de la vision : la diminution de l’acuité visuelle est variable, de la simple vision floue à une fonction visuelle réduite à une perception lumineuse.

image 139 – Anomalies palpébrales : œdème, brûlures cutanées palpébrales et spasme des paupières s’observent à la phase aiguë. Les anomalies de la statique palpébrale (entro-pion, ectropion, trichiasis, etc.) s’observent au stade des séquelles.

image 141 – Sensation de brûlure oculaire : une sensation de brûlure ou de corps étranger accompagnée d’une photophobie et d’un larmoiement fait partie de la symptomatologie fonctionnelle d’une brûlure oculaire.

image 151 – œdème de la face et du cou : un œdème de la face peut être consécutif à une brûlure chimique ou thermique.

image 152 – œil rouge et/ou douloureux : dans la plupart des cas, une brûlure oculaire se traduit par un œil rouge et douloureux.

image 168 – Brûlure : les brûlures cutanées de la face, chimiques, thermiques, liées au froid ou par les radiations peuvent comporter une atteinte oculaire.

image 174 – Traumatisme facial : une brûlure oculaire est un traumatisme de la face.

image 251 – Prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale : afin de réduire la réaction inflammatoire, une corticothérapie locale est prescrite en urgence lors d’une brûlure oculaire.

image 315 – Prévention des risques professionnels.

image 325 – Prévention des accidents domestiques.

image 326 – Accident du travail.

Hiérarchisation des connaissances

Rang Rubrique Intitulé et descriptif

Unlabeled Image.

Identifier une urgence Identifier les urgences vitales et fonctionnelles du traumatisé facial

Unlabeled Image.

Identifier une urgence Connaître les critères de gravité d’un traumatisme facial

Unlabeled Image.

Identifier une urgence Savoir suspecter et diagnostiquer un traumatisme crânien

Unlabeled Image.

Identifier une urgence Traumatismes crâniens de l’enfant : évaluation de la gravité et des complications précoces

Unlabeled Image.

Identifier une urgence Reconnaître les critères d’incarcération musculaire dans une fracture du plancher de l’orbite

Unlabeled Image.

Identifier une urgence Connaître les éléments cliniques d’une brèche cérébrospinale dans le cadre d’un traumatisme facial

Unlabeled Image.

Identifier une urgence Connaître des risques fonctionnels et vitaux des fractures de Le Fort

Unlabeled Image.

Définition Connaître les différents traumatismes crâniens de l’enfant

Unlabeled Image.

Définition Définition des fractures de Le Fort

Unlabeled Image.

Définition Définition d’une fracture du plancher de l’orbite

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître les signes cliniques présents dans les fractures du plancher de l’orbite

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître les modalités du diagnostic d’une kératite, d’une uvéite, d’une sclérite

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître les éléments de l’interrogatoire et de l’examen clinique à réaliser dans le cadre d’un traumatisme facial

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître les signes cliniques présents dans les fractures des os nasaux

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître les déclarations obligatoires pour un patient victime d’une morsure animale

Unlabeled Image.

Prise en charge Connaître la conduite à tenir devant un œil rouge douloureux

Unlabeled Image.

Prise en charge Connaître les principes des soins locaux de brûlure

Unlabeled Image.

Prise en charge Connaître les principes thérapeutiques des plaies de la face (morsures incluses)

Unlabeled Image.

Prise en charge Connaître les principes du traitement d’une fracture du plancher de l’orbite avec incarcération musculaire

Unlabeled Image.

Suivi et/ou pronostic Connaître les critères de gravité d’une fracture des os nasaux (hématome cloison, épistaxis)

Unlabeled Image.

Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser en première intention dans le cadre d’un traumatisme facial en fonction des orientations diagnostiques

Unlabeled Image.

Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser en urgence dans le cadre d’une fracture du plancher de l’orbite

Unlabeled Image.

Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser dans le cadre d’une fracture de Le Fort

Unlabeled Image.

Contenu multimédia Scanner d’une fracture du plancher de l’orbite

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224

Unlabeled Image. Les brûlures oculaires appartiennent aux véritables urgences en ophtalmologie. Elles nécessitent une prise en charge immédiate, qui comporte notamment la réalisation du lavage oculaire. Souvent bilatérales, les brûlures surviennent en règle chez des sujets jeunes et de sexe masculin.

I Circonstances de survenue

Unlabeled Image. Les principales circonstances de survenue sont : les accidents de travail (70 %), domestiques ou de loisirs (25 %) et les agressions avec comme objectif de défigurer et d’aveugler (5 %). Avec plus de 25 000 produits chimiques susceptibles d’être à l’origine de brûlures, les lésions oculaires chimiques sont de loin les plus fréquentes (85 %) et préoccupantes. Leur gravité dépend de l’agent causal, le plus souvent de nature oxydante, réductrice ou corrosive. Ces lésions sont parfois redoutables car, malgré un traitement bien conduit, elles peuvent aboutir à la perte fonctionnelle, voire anatomique du globe oculaire. Les brûlures thermiques ou par radiations s’accompagnent de lésions le plus souvent superficielles. Confondues avec des bonbons ou des jouets, les capsules de lessive liquide ou en poudre pour lave-vaisselle ou machine à laver sont les plus fréquemment impliquées chez les enfants âgés de moins de 5 ans.

II Brûlures thermiques, acides et basiques

A Brûlures thermiques

Unlabeled Image. L’atteinte oculaire observée au cours des brûlures thermiques est rare (entre 1 et 5 % des cas). Il s’agit le plus souvent de brûlures par flammes ou liquides chauds qui se produisent dans 226le cadre d’un accident domestique. Grâce à la vitesse du clignement et au phénomène de Charles Bell, le globe oculaire est protégé et les brûlures par flammes se limitent aux cils, sourcils et paupières (fig. 12.1). Cependant, on peut observer dans l’aire de la fente palpébrale une ulcération de la cornée et de la conjonctive. Dans les brûlures par contact, les solides qui retiennent la chaleur (cendres de cigarettes, poudre à canon, etc.) et les corps à point de fusion élevée (fer 1 200 °C, verre 1 500 °C) provoquent des lésions profondes conduisant parfois à la perte du globe oculaire. Les lésions oculaires les plus graves sont constatées chez des patients qui présentent des brûlures cutanées du troisième degré ou qui sont victimes d’accidents liés aux artifices de divertissement.

Unlabeled Image.
Brûlure faciale par flamme avec œdème palpébral asymétrique et lésions cutanées croûteuses, évocatrices d’un second degré nécessitant soins oculaires urgents.
Fig. 12.1 Brûlure par flammes.
Brûlure cutanée du deuxième degré superficiel de la totalité de la face. Les paupières, les cils et les sourcils sont brûlés. Grâce à la vitesse du clignement et au phénomène de Charles Bell, les globes oculaires ont été épargnés.

L’image montre un jeune patient présentant une atteinte faciale bilatérale consécutive à une brûlure par flammes. Le côté gauche est nettement plus touché avec un œdème palpébral supérieur et inférieur important, responsable d’une fermeture presque complète de l’œil. La peau du visage présente des croûtes jaunes diffuses, des zones érythémateuses et quelques phlyctènes en cours de dessèchement, traduisant une brûlure cutanée de second degré superficiel à profond. L’œil droit est moins atteint, ouvert, mais avec un léger œdème palpébral. L’état général suggère une exposition directe à une flamme, nécessitant une prise en charge spécialisée.

B Brûlures acides

Les acides pénètrent moins rapidement les structures oculaires que les bases. Unlabeled Image. Les protons (H+) précipitent et dénaturent les protéines. Les cellules superficielles ainsi que la matrice extracellulaire sont détruites. Unlabeled Image. La coagulation superficielle ainsi créée va limiter la pénétration plus profonde de l’acide dans la cornée. Après avoir retiré l’épithélium nécrotique, le stroma sousjacent peut parfois apparaître parfaitement transparent (fig. 12.2 et fig. 12.3). Cependant, les lésions occasionnées par les acides forts sont superposables à celles constatées avec les bases car, en dessous d’un pH de 2,5, les lésions sont profondes et nécrosantes. Parmi les acides, l’acide sulfurique ou vitriol (H2SO4) est responsable des accidents les plus graves.

Unlabeled Image.
Brûlure sévère par acide fort avec nécrose cornéenne centrale, ischémie conjonctivale et exposition de l’iris à travers une cornée détruite.
Fig. 12.2 Brûlure par acide fort.
Destruction complète de l’épithélium cornéen, enroulé en inférieur. Le stroma cornéen est transparent et la région limbique non ischémique.

L’image révèle une brûlure oculaire sévère par acide fort avec atteinte majeure des structures antérieures. La cornée centrale apparaît totalement opacifiée, blanchâtre, comme fondue, avec un aspect craquelé aux bords, traduisant une nécrose épithéliale massive. La sclère adjacente est pâle, témoignant d’une ischémie conjonctivale étendue. L’iris est complètement visible à travers la cornée détruite, ce qui confirme l’atteinte stromale profonde. Aucun reflet pupillaire n’est perçu, et la chambre antérieure semble collabée. Ce tableau est typique d’une brûlure chimique profonde de grade IV, avec un pronostic visuel réservé.

C 227Brûlures basiques

Les bases sont le plus fréquemment impliquées Unlabeled Image. (deux tiers des cas), parmi lesquelles : Unlabeled Image. l’ammoniaque (NH3), l’eau de Javel (hypochlorite de sodium), la soude (NaOH), etc. Unlabeled Image. Les particules de soude ou de chaux sont très adhérentes à la conjonctive, fournissant ainsi un réservoir de produit toxique. Unlabeled Image. Les bases pénètrent le plus rapidement et profondément les milieux oculaires. Unlabeled Image. L’anion saponifie les acides gras des membranes cellulaires et provoque la mort des cellules épithéliales instantanément. Le cation, en réagissant avec le groupe carboxyl du collagène et des glycosaminoglycanes de la matrice extracellulaire, facilite la pénétration intraoculaire de la base. Unlabeled Image. Outre les lésions de la cornée, en fonction de l’importance de la pénétration, l’iris, l’angle iridocornéen, le corps ciliaire et le cristallin peuvent être atteints. La destruction totale du globe oculaire est possible (fig. 12.4, fig. 12.5, fig. 12.6, fig. 12.7, fig. 12.8, fig. 12.9, fig. 12.10).

Unlabeled Image.
Large décollement épithélial cornéen central à la fluorescéine, typique d’une brûlure caustique aiguë par base forte de type soude ménagère.
Fig. 12.4 Brûlure par base forte (détergent ménager contenant de la soude).
Ulcération au centre de la cornée (retenant la fluorescéine) occupant la moitié de sa surface. œdème cornéen et plis descémétiques. Iris et pupille non visibles. Atteinte limbique entre 3 et 6 tranches horaires. Stade 3 de la classification de Roper-Hall.

L’image montre un œil en lumière bleue avec instillation de fluorescéine, révélant une atteinte cornéenne étendue. Une large zone de coloration verte homogène occupe toute la surface centrale et paracentrale de la cornée, indiquant une perte complète de l’épithélium cornéen. Les bords de la zone sont flous, sans limite nette, signe d’une diffusion profonde. L’aspect est caractéristique d’une brûlure par base forte, ici probablement liée à la soude contenue dans un détergent ménager. L’absence de vascularisation périphérique à ce stade suggère un stade aigu, à haut risque de complications cicatricielles sévères.

Unlabeled Image.
Plis endothéliaux marqués et œdème cornéen diffus liés à une brûlure sévère par soude, témoignant d’un endothélium gravement altéré.
Fig. 12.6 Brûlure par base forte (détergent ménager contenant de la soude).
œdème cornéen et nombreux plis de la membrane de Descemet.

L’image révèle un œil avec atteinte cornéenne post-brûlure par base forte, probablement due à un produit ménager à base de soude. On observe un aspect en relief caractéristique de plis endothéliaux profonds en motif radiaire, traduisant une souffrance sévère de la couche endothéliale. La cornée centrale est opacifiée, avec un voile blanchâtre homogène, traduisant un œdème cornéen stromal persistant. La lumière incidente se réfléchit de façon diffuse, signe de la perte de transparence cornéenne. Ce tableau est typique d’une atteinte de stade avancé avec dysfonctionnement endothélial majeur consécutif à une agression alcaline.

Unlabeled Image.
Cornée opaque et vascularisée témoignant d’une déficience limbiques totale après brûlure alcaline sévère, avec perte de transparence visuelle.
Fig. 12.7 Brûlure par base forte, déficience totale en cellules souches limbiques.
Opacification du stroma cornéen, ulcération chronique et stérile, néovascularisation circonférentielle.

L’image montre une cornée totalement opacifiée avec un envahissement conjonctival complet de la surface oculaire, consécutif à une brûlure sévère par base forte. On distingue une vascularisation pannue dense traversant le limbe et progressant vers le centre, signe typique d’une déficience totale en cellules souches limbiques. L’architecture normale est perdue, remplacée par une fibrose blanchâtre, avec des zones cicatricielles périphériques marquées. La transparence cornéenne est absente, traduisant une altération irréversible de la surface oculaire. Ce tableau correspond à un état final post-agression chimique intense.

Unlabeled Image.
Œil avec cicatrices profondes palpébrales et opacification cornéenne complète, séquelles d’une brûlure ancienne par base forte.
Fig. 12.9 Brûlure par base forte, aspect cicatriciel.
Opacification cornéenne totale; symblepharons supérieurs et inférieurs à l’origine d’une disparition complète du fornix conjonctival supérieur et inférieur.

L’image montre un œil sévèrement altéré, avec un aspect cicatriciel très marqué de la paupière inférieure et du rebord palpébral. La peau périciliaire paraît épaissie, irrégulière, avec des zones dépigmentées et d’autres brunâtres traduisant une nécrose ancienne. La fente palpébrale est réduite, probablement par une symblépharon ou une fibrose conjonctivale post-brûlure. La cornée visible est totalement opacifiée, d’un gris laiteux homogène, sans reflet pupillaire, suggérant une atteinte stromale profonde. Le segment antérieur est masqué. Il s’agit d’un œil fonctionnellement perdu avec séquelles cutanéo-conjonctivales majeures, compatibles avec une brûlure ancienne par agent basique.

III 228Évaluation et classification des lésions

La symptomatologie fonctionnelle peut être très expressive (diminution de l’acuité visuelle, photophobie, larmoiement, etc.) et la douleur importante. L’instillation d’un collyre anesthésique contribue à diminuer la douleur et le spasme des paupières. L’œil est le plus souvent rouge, en rapport avec une hyperhémie diffuse de la conjonctive, des hémorragies ponctiformes situées autour du limbe, des hémorragies sous-conjonctivales, un cercle périkératique ou un chémosis hémorragique. Les brûlures peu importantes se limitent à une kératite ponctuée superficielle (KPS) située dans l’aire d’ouverture des paupières ou à une ulcération plus étendue de l’épithélium cornéen. Outre la destruction de l’épithélium, les brûlures sévères de la cornée comportent des plis de la membrane de Descemet et un œdème prenant au maximum l’aspect de porcelaine qui empêche la visualisation de l’iris et du cristallin. Une atteinte plus importante se caractérise également par l’existence d’ulcérations, de zones d’ischémie ou de nécrose de la région limbique ou de la conjonctive bulbaire. Les territoires ischémiques apparaissent blancs et œdémateux.

La classification la plus utilisée est celle de Hughes modifiée par Roper-Hall (tableau 12.1). Elle compte quatre stades de gravité croissante, et repose sur l’importance de l’opacité stromale et sur l’étendue d’une éventuelle ischémie limbique.

Tableau 12.1

Unlabeled Image. Classification pronostique de Roper-Hall.

Stade Pronostic Atteinte cornéenne Ischémie limbique (% circonférence limbique)
1 Excellent Atteinte épithéliale, absence d’opacité cornéenne 0
2 Bon Cornée œdémateuse mais iris visible < 33
3 Réservé Perte totale de l’épithélium cornéen, œdème stromal gênant la visualisation des détails de l’iris 33–50
4 Mauvais Cornée opaque, iris et pupille non visibles > 50

image

Source : Roper-Hall MJ. Thermal and Chemical Burns. Transactions of the Ophthalmological Societies of the United Kingdom 1965;85:631-53. Traduction issue du Journal Français d’Ophtalmologie 2008;31(7):723-34.

IV 229Traitement d’urgence

L’examen clinique initial doit rapidement conduire aux premières mesures thérapeutiques, en particulier à la réalisation du lavage oculaire (vidéo 12.1). De sa précocité et de sa qualité dépend le devenir de la brûlure car le lavage influence de façon décisive l’évolution et le pronostic de la brûlure oculaire. Le lavage sera facilité par l’instillation préalable d’un collyre anesthésique. Une anesthésie générale peut être nécessaire chez l’enfant. L’utilisation d’une tubulure à perfusion maintenue à environ 10 cm du globe oculaire est la plus adaptée. Il faut éverser les deux paupières et rincer abondamment les culs-de-sac conjonctivaux. Le lavage doit durer 15 à 30 minutes avec environ 1,5 litre de solution. Le pH de la surface oculaire peut être mesuré à l’aide d’une bandelette indicatrice et le lavage sera poursuivi jusqu’à la normalisation (7,4) du pH (fig. 12.11). L’utilisation de solutions iso- ou hypertoniques amphotères est préférable à l’eau. Dans certains cas (projection de base), le lavage des voies lacrymales excrétrices pourra être associé (vidéo 12.2). Le lavage doit également être effectué en cas de brûlures thermiques Unlabeled Image. car il contribue à diminuer la température à la surface du globe oculaire. Unlabeled Image. Le traitement médical instauré en urgence a comme objectif de contrôler la réaction inflammatoire (corticoïdes locaux) et de favoriser la cicatrisation (larmes artificielles, vitamine C, tétracyclines, etc.).

Unlabeled Image.
Lavage oculaire d’urgence avec irrigation abondante, geste crucial en cas d’exposition oculaire à un produit chimique.
Fig. 12.11 Pratique du lavage oculaire.
Le patient est allongé. Un haricot en carton à usage unique est disposé du côté de l’œil à irriguer. Une goutte d’un collyre anesthésique est instillée. Une mesure du pH est réalisée à l’aide d’une bandelette indicatrice. Une tubulure à perfusion est maintenue à environ 10 cm du globe oculaire.

On observe ici un patient allongé sur un brancard, recevant un lavage oculaire par une professionnelle de santé. Il est en décubitus latéral, la tête inclinée pour faciliter l’écoulement du liquide, tandis qu’une cuvette rénale est maintenue contre sa joue pour recueillir la solution. La soignante, gantée, administre une irrigation continue à l’aide d’un flacon de solution stérile, typiquement utilisée dans les situations d’agression chimique oculaire. Ce geste immédiat et rigoureux vise à limiter les dommages cornéens et conjonctivaux en diluant rapidement l’agent nocif.

La prise en charge de la douleur s’entend par voie générale car l’utilisation d’antalgiques locaux retarderait la cicatrisation de la surface oculaire, qui est une priorité. Ceux-ci sont donc contre-indiqués.

V 230Formes particulières

A Brûlures liées au froid

Les brûlures dues au froid surviennent lors d’exposition à des températures très basses dont l’effet est accentué par le vent puissant : accidents en haute montagne, pratique des sports par basse température (ski, course à pied, etc.), parachutisme. Les lésions siègent dans l’aire de la fente palpébrale. Elles peuvent revêtir l’aspect d’une simple abrasion épithéliale, d’une ulcération, d’un œdème ou d’une véritable gélation de la cornée.

B Brûlures par les radiations

Les brûlures par les rayons ultraviolets (400-280 nm) sont les plus fréquentes. Unlabeled Image. Les sources d’émission sont variées : exposition solaire prolongée lorsque les rayons sont fortement réfléchis (neige, mer, désert), soudure à l’arc, lampes désinfectantes ou bronzantes. Les rayons ultraviolets sont presque totalement absorbés par la cornée, où ils entraînent le détachement des cellules épithéliales et un œdème stromal. Unlabeled Image. Environ 12 heures après l’exposition surviennent des douleurs, un blépharospasme, un larmoiement et une photophobie. On constate l’existence d’une KPS et une hyperhémie de la conjonctive. La guérison survient en 48 heures et est facilitée par l’occlusion. Les brûlures par les rayons infrarouges (700-3 000 nm; explosions, éclipses solaires, etc.) se limitent pour la cornée à une KPS, Unlabeled Image. mais peuvent provoquer une cataracte ou une choriorétinite.

image Compléments en ligne

Unlabeled Image. QRU 1

La première cause de brûlure oculaire est :

  • Les accidents de sport
  • Les accidents de travail
  • Les accidents domestiques
  • Les agressions
  • Les brûlures solaires

231Unlabeled Image. QRM 2

Concernant les brûlures chimiques, indiquer les réponses justes :

  • Leur prise en charge peut être différée
  • Ce sont les plus fréquentes parmi les brûlures oculaires
  • La gravité dépend de la nature du produit
  • Les bases occasionnent les brûlures les plus graves
  • Les bases pénètrent plus rapidement les milieux oculaires que les acides

Unlabeled Image. QRM 3

Les brûlures par flammes :

  • Sont rares comparées aux brûlures chimiques
  • Sont le plus souvent limitées à la surface oculaire et les paupières sont rarement atteintes
  • L’œil est protégé grâce au réflexe de clignement
  • Doivent bénéficier d’un lavage oculaire
  • Sont souvent en rapport avec un accident domestique

Unlabeled Image. QRM 4

Monsieur M., mécanicien, vous appelle en catastrophe car il vient de recevoir dans les deux yeux de l’acide sul-furique alors qu’il remplissait une batterie automobile. Il dit ressentir de violentes douleurs aux deux yeux et ne peut plus les ouvrir. Vous lui conseillez :

  • De pratiquer un premier lavage des deux yeux avec de l’eau
  • De se rendre rapidement aux urgences de l’hôpital
  • De prendre un antalgique per os et de rester chez lui
  • De consulter le lendemain
  • D’instiller un collyre antibiotique

Unlabeled Image. QRM 5

Concernant les brûlures oculaires par acide :

  • Le vinaigre est un acide
  • Les acides pénètrent moins rapidement les milieux oculaires que les bases
  • L’eau de Javel est un acide
  • Elles peuvent être à l’origine d’une cécité
  • Elles nécessitent toujours un lavage oculaire

image Réponses

QRU 1

Réponse : B.

Les accidents de travail (70 %) sont la première cause de brûlure oculaire. Viennent ensuite les accidents domestiques ou de loisirs (25 %) et les agressions (5 %).

QRM 2

Réponse : B, C, D, E.

Les brûlures chimiques sont de loin les plus fréquentes, puisqu’elles représentent 85 % de l’ensemble des brûlures oculaires. Les brûlures par bases sont les plus graves, car les bases pénètrent rapidement les structures oculaires.

232QRM 3

Réponse : A, C, D, E.

Les brûlures chimiques sont de loin les plus fréquentes, puisqu’elles représentent 85 % de l’ensemble des brûlures oculaires. Les brûlures par flammes sont beaucoup plus rares. Le globe oculaire est protégé grâce à la vitesse de clignement et au phénomène de Charles Bell. Le lavage contribue à réduire la température à la surface du globe oculaire. Elles sont souvent en rapport avec un accident domestique (barbecue, etc.).

QRM 4

Réponse : A, B.

Un premier lavage peut être réalisé par la victime, mais dans tous les cas il sera renouvelé dès son arrivée à l’hôpital. La prise en charge doit être réalisée en urgence. Seul l’ophtalmologiste décidera du traitement à mettre en œuvre, une fois le lavage effectué et l’examen oculaire réalisé. Aucune prescription ne doit être réalisée à distance.

QRM 5

Réponse : A, B, D, E.

L’eau de Javel est une base. Les acides forts (acide sulfurique, etc.) occasionnent des lésions très profondes qui peuvent aboutir à une véritable fonte du globe oculaire. Le lavage oculaire est systématique.

image Compléments en ligne

Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils sont indiqués dans le texte par un picto. Pour voir ces compléments, connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/e-complements/478662 et suivez les instructions.

  • • Questions interactives
  • • e-Figures
Unlabeled Image.
Brûlure acide grave avec cornée blanchâtre, nécrose conjonctivale noire et ischémie sclérale, traduisant une atteinte oculaire profonde irréversible.
e-Fig. 12.3 Brûlure par acide fort.

L’image illustre les séquelles d’une brûlure oculaire grave par acide fort. La cornée est complètement opacifiée avec un aspect blanchâtre laiteux, traduisant une nécrose stromale avancée. La conjonctive nasale présente une zone noirâtre et atone, évocatrice d’une sclérose ischémique ou d’une croûte nécrotique. Une hyperhémie conjonctivale périphérique est visible, mais contrastant avec l’ischémie centrale. La paupière inférieure est inflammatoire, érythémateuse, avec présence de sérosités. Ce tableau correspond à une brûlure chimique sévère avec atteinte profonde des structures oculaires et risque élevé de perte fonctionnelle définitive.

Unlabeled Image.
Perte épithéliale cornéenne étendue et fluorescéine diffuse, signe d’une brûlure sévère par soude, avec atteinte profonde et risque de complications graves.
e-Fig. 12.5 Brûlure par base forte (détergent ménager contenant de la soude).

Cette image en lumière bleue avec fluorescéine montre une brûlure oculaire sévère par base forte, typiquement causée par un détergent ménager contenant de la soude. On observe une large zone cornéenne imprégnée de fluorescéine en vert intense, traduisant une déstructuration épithéliale massive. La forme ovoïde irrégulière, associée à des coulées verticales de fluorescéine vers la paupière inférieure, suggère une atteinte profonde avec écoulement lacrymal perturbé. Des dépôts et irrégularités sont également visibles en périphérie, probablement liés à une réaction caustique étendue. L’ensemble indique une urgence ophtalmologique avec risque élevé de cicatrisation pathologique.

Unlabeled Image.
Cornée blanchâtre, vascularisée et opacifiée un mois après brûlure alcaline, traduisant une cicatrisation anormale et une atteinte limbique partielle.
e-Fig. 12.8 Brûlure par base forte, aspect à un mois.

Un mois après une brûlure par base forte, l’œil présente une opacification cornéenne diffuse avec perte nette de transparence centrale. La périphérie est injectée, marquée par une hyperhémie conjonctivale intense. Une vascularisation périphérique progresse vers la cornée, signe évocateur d’une réponse inflammatoire prolongée. L’épithélium paraît irrégulier, témoignant d’une cicatrisation incomplète. L’aspect blanchâtre et nacré de la cornée, associé à une absence de reflets stromaux profonds, suggère un remodelage cicatriciel avancé. Le limbe semble partiellement envahi, ce qui peut compromettre durablement la fonction visuelle si non pris en charge.

Unlabeled Image.
Cornée opaque et envahie de néovaisseaux, à 6 mois d’une brûlure par base forte, traduisant une atteinte sévère et chronique.
e-Fig. 12.10 Brûlure par base forte, aspect à 6 mois.

Cette image montre un œil atteint de séquelles chroniques d'une brûlure alcaline, visibles à distance de l’événement initial. La cornée est totalement opacifiée, de teinte blanchâtre, avec une vascularisation profonde anarchique provenant de la périphérie. Les vaisseaux néoformés s’étendent radialement vers le centre, traduisant une néovascularisation secondaire à l’agression chimique. L’absence de transparence cornéenne et l’absence de reflet pupillaire indiquent une perte sévère de fonction visuelle. La conjonctive apparaît épaissie, injectée, probablement fibreuse. Ce tableau correspond à une cicatrisation post-brûlure avec perte des cellules souches limbiques.

  • • Vidéos

Vidéo 12.1. Lavage oculaire en cas de brûlure chimique.

Source : Pr H. Merle, CHU de Fort-de-France.

Vidéo 12.2. Lavage des voies lacrymales.

Source : Pr M. Muraine, CHU de Rouen.