CHAPITRE 21: Hyperthyroïdie/orbitopathie dysthyroïdienne
Situations cliniques de départ
26 – Anomalies de la croissance staturo-pondérale.
50 – Malaise/perte de connaissance.
61 – Syndrome polyuro-polydypsique
63 – Troubles sexuels et troubles de l’érection.
94 – Troubles du cycle menstruel.
135 – Troubles du sommeil, insomnie ou hypersomnie.
141 – Sensation de brûlure oculaire.
148 – Goitre ou nodule thyroïdien.
152 – œil rouge et/ou douloureux.
178 – Demande/prescription raisonnée et choix d’un examen diagnostique.
194 – Analyse du bilan thyroïdien.
195 – Analyse du bilan lipidique.
225 – Découverte d’une anomalie cervico-faciale à l’examen d’imagerie médicale.
372230 – Rédaction de la demande d’un examen d’imagerie.
231 – Demande d’un examen d’imagerie.
233 – Identifier/reconnaître les différents examens d’imagerie.
251 – Prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale.
257 – Prescrire une contraception et contraception d’urgence.
279 – Consultation de suivi d’une pathologie chronique.
284 – Consultation de suivi et éducation thérapeutique d’un patient avec hypothyroïdie.
306 – Dépistage et prévention ostéoporose.
314 – Prévention des risques liés au tabac.
320 – Prévention des maladies cardiovasculaires.
328 – Annonce d’une maladie chronique.
339 – Prescrire un arrêt de travail.
352 – Expliquer un traitement au patient (adulte, enfant, adolescent).
Hiérarchisation des connaissances
| Rang | Rubrique | Intitulé |
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Identifier une urgence | Connaître les signes cliniques évocateurs d’une crise aiguë thyrotoxique |
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Prévalence, épidémiologie | Connaître la prévalence de l’hyperthyroïdie |
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Définition | Définitions de l’hyperthyroïdie et de la thyrotoxicose |
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Diagnostic positif | Connaître les signes cliniques d’une hyperthyroïdie |
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Diagnostic positif | Connaître les critères diagnostiques d’une maladie de Basedow |
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Diagnostic positif | Connaître les critères diagnostiques d’un nodule hypersécrétant |
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Diagnostic positif | Connaître l’interprétation des dosages hormonaux |
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Diagnostic positif | Connaître les critères diagnostiques d’une hyperthyroïdie iatrogène |
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Diagnostic positif | Connaître les complications possibles de l’ophtalmopathie dysthyroïdienne : neuropathie optique compressive, kératite d’exposition |
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Diagnostic positif | Connaître les signes biologiques spécifiques (anticorps anti-récepteurs de la TSH) et non spécifiques |
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Étiologie | Connaître les trois étiologies les plus fréquentes d’hyperthyroïdie |
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Prise en charge | Connaître les principes de la prise en charge thérapeutique d’une hyperthyroïdie |
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Examens complémentaires | Connaître les principaux examens complémentaires en ophtalmologie et leurs indications |
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Examens complémentaires | Indications de la scintigraphie thyroïdienne et de l’échographie |

I Définition
L’hyperthyroïdie constitue l’ensemble des troubles liés à l’hyperfonctionnement de la glande thyroïde.
Le syndrome de thyrotoxicose correspond aux conséquences de l’excès d’hormones thyroïdiennes au niveau des tissus cibles, quelle que soit sa cause (par exemple un excès d’hormones thyroïdiennes exogènes).
La prévalence de l’hyperthyroïdie est élevée, mais variable selon les pays (0,2 % à 1,9 % toutes causes confondues). Le sex-ratio femme/homme est d’environ 7.
II Syndrome de thyrotoxicose
L’intensité des manifestations cliniques dépend du degré de la thyrotoxicose, de sa durée et du terrain.
C’est l’association de plusieurs troubles qui fait évoquer le diagnostic. Ceux-ci sont présentés par ordre de fréquence dans le tableau 21.1.
A Principaux signes et symptômes associés à la thyrotoxicose chez l’adulte.
| Symptômes et signes cliniques | Fréquence |
| Tachycardie de repos | 96 % |
| Nervosité | 93 % |
| Asthénie | 88 % |
| Palpitations | 86 % |
| Amaigrissement avec polyphagie | 83 % |
| Thermophobie | 82 % |
| Hypersudation | 80 % |
| Tremblement | 73 % |
| Dyspnée d’effort | 73 % |
| Fatigabilité musculaire, amyotrophie | 70 % |
| Polyexonération | 35 % |
| Prurit | 18 % |
| œdème des membres inférieurs | 13 % |
| Fibrillation auriculaire | 10 % |
Source : CEEDMM, 2021.
1 Troubles cardiovasculaires
Les troubles cardiovasculaires se caractérisent par :
- • une tachycardie régulière, sinusale, persistant au repos, avec palpitations et parfois dyspnée d’effort;
- • une augmentation de l’intensité des bruits du cœur (éréthisme), avec parfois un souffle systolique de débit;
- • un pouls vibrant;
- • et parfois une élévation de la pression artérielle (PA) systolique.
B 374375Diagnostic
1 Confirmation de la thyrotoxicose
La TSH est l’examen de première intention (recommandations de la Société française d’endocrinologie [SFE], 2016).
Lorsque la TSH est basse, on dose en deuxième intention la T4L pour apprécier l’importance de la thyrotoxicose.
Lorsque l’hyperthyroïdie est cliniquement évidente, il est possible de demander en première intention la TSH et la T4L pour ne pas retarder la prise en charge.
Le dosage de T3L n’est nécessaire que si la T4L est normale, afin de rechercher une hyper-thyroïdie à T3.
La TSH est constamment effondrée en cas d’hyperthyroïdie, en dehors de deux pathologies extrêmement rares, s’accompagnant de TSH inappropriée (TSH normale ou augmentée avec T4L et/ou T3L augmentée) : adénome hypophysaire à TSH et résistance aux hormones thyroïdiennes (liée à une mutation du récepteur p aux hormones thyroïdiennes). Le profil hormonal très inhabituel doit faire évoquer ces deux étiologies.
III Étiologie des hyperthyroïdies
Une fois le diagnostic de thyrotoxicose établi, se pose la question de son origine, car les causes sont nombreuses. Parfois, le diagnostic est évident cliniquement (présence d’une orbito-pathie, par exemple, évocatrice d’une maladie de Basedow); dans d’autres cas, le diagnostic s’appuie sur des examens complémentaires.
A. Hyperthyroïdie d’origine auto-immune : la maladie de Basedow (Graves’ disease)
Il s’agit de la cause la plus fréquente d’hyperthyroïdie chez la femme jeune.
Elle atteint 1,9 % des femmes et 0,4 % des hommes (soit 1 % de la population).
Les caractéristiques de cette maladie sont les suivantes :
1 Diagnostic
Lorsqu’il existe des manifestations oculaires spécifiques, le diagnostic de maladie de Basedow est certain. Dans ce cas, la mesure des anticorps antirécepteurs de la TSH (TRAK) n’est pas indispensable pour le diagnostic, mais utile pour apprécier l’importance du phénomène auto-immun.
376En l’absence de manifestations orbitaires, le diagnostic repose en première intention sur la mesure des TRAK : un titre élevé permet d’affirmer la maladie de Basedow.
- • il est n’est pas indiqué d’en suivre l’évolution en cours de traitement;
- • en fin de traitement médicamenteux par antithyroïdien de synthèse, un titre élevé d’anticorps antirécepteurs de TSH est un facteur prédisposant à la rechute, tandis que leur disparition ne permet pas d’affirmer la guérison.
Lorsque le titre des anticorps antirécepteurs de TSH est en dessous du seuil de positivité, la scin-tigraphie est indiquée pour faire le diagnostic étiologique (sauf en cas de grossesse ou d’allaitement qui la contre-indique). Celle-ci montre une hyperfixation diffuse et homogène de l’isotope.
L’écho-Doppler thyroïdien peut constituer une alternative, notamment en cas de grossesse. Il retrouve une glande globalement hypoéchogène et très vascularisée.
V Traitement des thyrotoxicoses
Les thyrotoxicoses sont habituellement traitées en ambulatoire, mais il faut identifier les situations urgentes nécessitant une prise en charge immédiate, voire une hospitalisation. Les situations urgentes sont :
A Moyens thérapeutiques
Les moyens non spécifiques sont :
- • le repos (arrêt de travail éventuel en fonction du retentissement de la maladie);
- • les bêta-bloquants, avec respect des contre-indications habituelles; ils agissent rapidement et permettent d’attendre l’effet des traitements spécifiques; le propranolol (Avlocardyl®) est souvent choisi car il est non cardiosélectif – il réduit la tachycardie, mais aussi les tremblements;
- • une contraception efficace chez la femme en âge de procréer.
3 377Focus sur les principes thérapeutiques de la maladie de Basedow
La première étape est toujours de restaurer l’euthyroïdie par un traitement antithyroïdien de synthèse (ATS). L’indication thérapeutique (traitement médical pendant 12 à 18 mois ou traitement radical par chirurgie ou iode radioactif) doit ensuite être discutée avec le patient, en lui expliquant les avantages et inconvénients des différentes solutions thérapeutiques.
Aucun traitement de la maladie de Basedow n’est parfait, puisqu’aucun n’agit sur la cause de la maladie.
Le traitement médical est souvent proposé en cas de première poussée de maladie de Basedow. Il doit être poursuivi 12 à 18 mois. Chez l’enfant et l’adolescent, le risque de récidive est plus important, ce qui nécessite des traitements prolongés de 2 à 4 ans.
En dehors de la grossesse, l’ATS recommandé est le carbimazole ou son apparenté, le méthi-mazole. Après traitement médical bien conduit par ATS, une rechute survient dans 40 % à 50 % des cas.
Si une rechute survient, on peut discuter avec le patient de trois stratégies : la thyroïdectomie ou le traitement par iode radioactif – ces deux derniers entraîneront une hypothyroïdie définitive –, ou la poursuite du traitement par ATS au long cours.
VI Orbitopathie dysthyroïdienne
Le mot « orbitopathie » est plus juste que le mot ophtalmopathie, car il s’agit d’une atteinte de l’orbite (muscles oculomoteurs et graisse orbitaire). Dans la très grande majorité des cas, l’orbitopathie complique une maladie de Basedow (appelée maladie de Grave ou Grave’s disease dans les pays anglo-saxons). L’atteinte de l’orbite peut aussi s’inscrire, plus rarement, dans le cadre d’une thyroïdite auto-immune de Hashimoto.
Les anticorps antirécepteur de la thyroid stimulating hormone (TSH), qui stimulent la thyroïde, agissent également sur les muscles oculomoteurs et la graisse orbitaire, augmentant ainsi leurs volumes.
L’atteinte orbitaire survient chez 25 % des patients qui ont une maladie de Basedow; en d’autres termes, 75 % des patients atteints d’une maladie de Basedow n’auront jamais d’orbitopathie. L’orbitopathie est bilatérale dans 75 % des cas. Elle survient quasi en même temps que l’hyper-thyroïdie dans 80 % des cas. Dans 10 % des cas, l’atteinte orbitaire la précède, et dans 10 % des cas, elle apparaît plus tard, alors que le patient est déjà traité pour sa maladie thyroïdienne. Il est donc important d’informer ces patients des premiers symptômes oculaires afin que leur éventuelle apparition les conduise à consulter rapidement.
B Manifestations ophtalmologiques
1 Signes orbitaires : l’exophtalmie
L’exophtalmie est le signe le plus classique dans l’orbitopathie dysthyroïdienne. Cette exophtalmie est bilatérale chez 75 % des patients (fig. 21.1). Elle est symétrique ou asymétrique. Classiquement, en l’absence d’activité inflammatoire, elle est axile, non pulsatile, réductible et indolore. Elle est secondaire à l’hypertrophie des muscles oculomoteurs et/ou de la graisse orbitaire. Elle est mesurée par l’ophtalmométrie. On utilise en général l’ophtalmo-mètre de Hertel (fig. 21.2). En cas d’exophtalmie, l’ophtalmométrie est supérieure à 21 mm.

Le volume des paupières supérieures et inférieures est augmenté (aspect de poche palpébrale dû à l’augmentation de la graisse palpébrale).
Sur cette photographie frontale, on observe une exophtalmie marquée, symétrique, avec protrusion bilatérale des globes oculaires. Les paupières inférieures sont nettement bombées, traduisant un œdème périorbitaire avec relâchement cutané. La conjonctive est injectée, notamment en nasal, signe d’une irritation inflammatoire. L’ouverture palpébrale est exagérément large, surtout en vertical, laissant voir une sclère trop exposée. Cette configuration faciale, combinée à la rétraction palpébrale et à l’inflammation conjonctivale, est typique d’une orbitopathie dysthyroïdienne dans le contexte d’une maladie de Basedow active.

Les deux vues illustrent la mesure de l’exophtalmie à l’aide d’un ophtalmomètre de Hertel. Sur l’image A, un médecin en blouse blanche tient fermement l’appareil appuyé contre les rebords orbitaires externes du patient, en position assise face à l’examinateur. Sur l’image B, un gros plan montre la lecture directe sur la règle millimétrée de l’instrument, l’alignement se faisant avec la surface la plus antérieure de la cornée. La précision du geste et la posture rigoureuse témoignent de l’importance de cet examen dans l’évaluation de la protrusion oculaire, notamment en cas d’orbitopathie.
2 378Signes palpébraux
Les signes palpébraux sont les suivants :
- • la rétraction des paupières (fig. 21.3), qu’il s’agisse de la paupière supérieure et/ou de la paupière inférieure avec asynergie oculopalpébrale vers le bas, c’est-à-dire que la paupière supérieure ne descend pas correctement dans le regard vers le bas;

Fig. 21.3 Rétraction de la paupière supérieure droite chez une patiente ayant une orbitopathie de Basedow (pas d’exophtalmie). Sur ce portrait en gros plan, on observe une asymétrie manifeste du regard. La paupière supérieure droite est nettement rétractée, laissant apparaître une sclère plus importante par rapport à l’œil gauche. Cette élévation anormale du bord palpébral supérieur est caractéristique d’une orbitopathie associée à la maladie de Basedow. Aucun signe d’exophtalmie n’est visible ici : le globe oculaire reste bien positionné dans l’orbite, sans protrusion vers l’avant. L’alignement pupillaire est conservé, ce qui renforce l'impression de dysfonction localisée au muscle releveur de la paupière. Le reste du visage, notamment la symétrie des sourcils et le front détendu, ne montre pas d’anomalie.
- • œdème inflammatoire des paupières (fig. 21.4);

Fig. 21.4 œdème de paupière inflammatoire.
Les quatre paupières sont gonflées et rouges.L’image montre un visage avec un œdème palpable au niveau des paupières supérieures et inférieures, prédominant du côté droit. Les tissus périoculaires sont nettement gonflés et prennent une teinte rougeâtre, témoignant d’un processus inflammatoire actif. La conjonctive semble elle aussi légèrement injectée, avec une vascularisation plus marquée. Le regard est asymétrique, et l’on perçoit une tension cutanée au-dessus des yeux, signe d’infiltration tissulaire. Les sourcils froncés renforcent l'impression de gêne ou d’inconfort. Cet aspect évoque un œdème de type inflammatoire, fréquemment associé à une orbitopathie dysthyroïdienne.
- • diminution de la fréquence du clignement;
- • lagophtalmie, c’est-à-dire impossibilité de fermer la paupière complètement, ce qui peut entraîner une kératite par sécheresse de la cornée (fig. 21.5).

Fig. 21.5 Lagophtalmie ou insuffisance de fermeture de l’œil.
Le risque est l’apparition d’une atteinte de la cornée.Cette image montre un visage âgé, vu de face, avec une atteinte oculaire nette du côté gauche. La paupière supérieure ne couvre pas complètement le globe oculaire, laissant apparaître une cornée laiteuse et un sclérotique exposé. On observe un œdème palpébral inférieur ainsi qu’une rougeur localisée au bord libre, suggérant une irritation chronique. Le globe semble en partie desséché, accentuant l’impression de lagophtalmie. Le côté droit contraste par une fermeture complète de l’œil, ce qui met en évidence l’asymétrie fonctionnelle. L’ensemble traduit une atteinte de la fermeture palpébrale, potentiellement liée à une paralysie faciale ou à une rétraction cicatricielle.
3 379Troubles oculomoteurs
Il s’agit d’une myosite. Lors de la phase inflammatoire, le muscle est inflammatoire. Une douleur lors de la mobilisation du globe est classique. Lors de la phase séquellaire, le muscle est fibrosé et se rétracte. L’atteinte musculaire se manifeste par la survenue d’une diplopie binoculaire (fig. 21.6) avec une déviation oculaire (strabisme).

Les yeux ne sont pas dans l’axe car il y a une myosite; le patient voit double (diplopie).
L’image montre un visage âgé en gros plan, centré sur les yeux. On remarque un désalignement subtil des globes oculaires : l’œil gauche paraît en position légèrement abaissée par rapport à l’œil droit. Le regard semble asymétrique, avec une amplitude de mouvement réduite, probablement en élévation ou en abduction. Les paupières supérieures sont ouvertes normalement, sans signe d’exophtalmie marquée ni œdème. Le contour palpébral est conservé mais légèrement plissé, en lien avec l’âge. L’expression globale traduit un trouble oculomoteur, évocateur d’une atteinte musculaire restrictive souvent observée dans l’orbitopathie de Basedow.
4 Autres
L’hypertonie oculaire est fréquente. Elle est estimée entre 5 % et 15 % des patients ayant une orbitopathie dysthyroïdienne. Cette hypertonie n’est pas synonyme de glaucome. La rougeur de la conjonctive et l’inflammation de la conjonctive (chémosis) signent l’activité inflammatoire de la maladie.
C 380Complications
Quand les complications sont majeures, on parle d’orbitopathie maligne. L’atteinte cor-néenne est une complication liée le plus souvent à l’exophtalmie et à la rétraction de la paupière supérieure avec insuffisance de fermeture (lagophtalmie; voir fig. 21.5). Elle peut être minime à type de kératite (fig. 21.7A,B) et peut également aboutir à une perforation cor-néenne dans les cas les plus graves.

La première image montre un visage avec exophtalmie bilatérale nette, plus marquée à droite. Les globes oculaires sont projetés vers l’avant, avec un sclère très exposé. On distingue une rougeur conjonctivale et une fermeture palpébrale incomplète, favorisant une sécheresse oculaire. Sur la deuxième image, une vue rapprochée avec éclairage à la fluorescéine met en évidence une ulcération centrale de la cornée droite, bien délimitée, fluorescente sous lumière bleue de Wood. La surface cornéenne semble irrégulière et l’épithélium endommagé. Cette atteinte cornéenne traduit une kératopathie d’exposition secondaire à une exophtalmie sévère et une lagophtalmie persistante.
L’orbitopathie dysthyroïdienne peut se compliquer d’une neuropathie optique compressive. Cette neuropathie peut être secondaire à une compression directe des muscles de l’apex.
Ces deux complications (atteinte de la cornée et neuropathie optique) justifient un traitement par bolus de méthylprednisolone à forte dose et/ou une chirurgie à type de décompression orbitaire
et/ou des traitements médicaux ciblés.
D Examens complémentaires
L’imagerie est essentielle pour mieux comprendre le mécanisme de l’orbitopathie. Le scanner et l’IRM sont complémentaires (fig. 21.8). Ils peuvent conforter le diagnostic d’exophtalmie, et objectiver les rapports entre les nerfs optiques et les muscles à l’apex orbitaire en cas de neuropathie optique.

Cette coupe coronale de tomodensitométrie met en évidence un épaississement significatif des muscles oculomoteurs, en particulier les muscles droits inférieurs et médians. Leur volume anormalement augmenté réduit l’espace rétro-orbitaire et crée un contact étroit avec les nerfs optiques bilatéralement. On note que les structures osseuses orbitaires sont bien délimitées, sans lyse apparente, tandis que les sinus para-nasaux, bien visibles au centre de l’image, sont aérés. L’aspect évoque une orbitopathie thyroïdienne active, avec risque de neuropathie optique compressive en raison de l’encombrement postérieur de l’orbite par les muscles élargis.
L’appréciation de la neuropathie optique se fait par l’examen des pupilles (recherche d’un déficit pupillaire afférent), du champ visuel, de la vision des couleurs, de la tomographie par cohérence optique et des potentiels évoqués visuels.
E 381Traitement de l’orbitopathie
Le traitement antithyroïdien n’a aucun effet direct sur l’orbitopathie, qui n’est pas due à la thyrotoxicose, mais l’obtention de l’euthyroïdie en évitant le passage en hypothyroïdie peut améliorer l’état orbitaire. L’arrêt du tabac est indispensable, car celui-ci est fortement impliqué dans la physiopathogénie de cette maladie et l’aggrave.
Les traitements oculaires locaux consistent à améliorer la symptomatologie de ces patients, qui se plaignent de troubles de la surface oculaire (picotements, brûlures) secondaires à la rétraction de la paupière supérieure, de l’exophtalmie et d’un moindre clignement. Un traitement par des substituts lacrymaux (larmes, gels, etc.) est donc très utile chez ces patients. Le traitement par sélénium peut aussi être utile dans les formes modérées.
En cas de diplopie avec un trouble oculomoteur modéré, on propose des prismes et/ou une chirurgie.
2 Quand proposer un traitement anti-inflammatoire ?
Un traitement anti-inflammatoire est indiqué quand il y a une inflammation (e-fig. 21.9).
Un traitement anti-inflammatoire, par bolus de méthylprednisone à forte dose, est proposé en cas de complications majeures (neuropathie optique, ulcère de cornée).
Un traitement anti-inflammatoire, par bolus de méthylprednisone à dose modérée, est indiqué quand il y a une inflammation orbitaire sans complication majeure et doit être débuté le plus rapidement possible.
La radiothérapie externe peut également être proposée dans les cas corticorésistants. Son effet est moins rapide que la corticothérapie.
3 Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical est de trois types :
- • une chirurgie de décompression orbitaire afin d’augmenter le volume orbitaire – cette décompression peut être uniquement osseuse ou peut également enlever de la graisse (lipectomie);
- • la chirurgie des muscles oculomoteurs quand la diplopie ne peut pas être appareillée par les prismes;
- • la chirurgie des paupières : chirurgie de la rétraction des paupières et/ou blépharoplastie, c’est-à-dire ablation du tissu cutané et graisseux excessif.
Compléments en ligne
Parmi ces signes sémiologiques, quels sont ceux observés dans l’orbitopathie dysthyroidienne, quelle est la réponse juste ?
Lors d’une atteinte oculo-motrice dans l’orbitopathie de Basedow, quelle est la réponse juste ?
À propos des complications de l’orbitopathie dysthyroïdienne, quelles sont les réponses justes ?
383Réponses
Le syndrome sec est secondaire à la rareté du clignement et d’un clignement non complet source d’une lagophtalmie. La cornée va donc « sécher » et entraîner une kératite à prédominance inférieure.
La diplopie existe lorsque l’atteinte est importante, elle peut donc être absente dans les formes minimes de myosite. Les muscles le plus souvent atteints sont le droit médial et le droit inférieur. La douleur est classique lors de la phase inflammatoire de la maladie. La myosite peut s’atténuer lors du traitement mais ne disparait pas complètement, le muscle devenant fibrosé et se rétracte.
L’exophtalmie, la myosite et la rétraction de la paupière sont des signes sémiologiques l’orbitopathie. Les deux complications graves à connaître sont les complications cornéennes et la neuropathie optique compressive.
Compléments en ligne
Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils sont indiqués dans le texte par un picto. Pour voir ces compléments, connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/e-complements/478662 et suivez les instructions.

Les deux clichés illustrent des patients présentant une orbitopathie inflammatoire active. Sur l’image A, on observe un chémosis conjonctival marqué, une hyperémie importante des conjonctives bulbaire et palpébrale ainsi qu’une injection diffuse. L’œil gauche montre une protrusion plus accentuée, évoquant une exophtalmie asymétrique. Sur l’image B, l’inflammation est plus diffuse mais clairement visible, avec une rougeur conjonctivale bilatérale, un œdème palpébral et une dilatation vasculaire marquée. Dans les deux cas, les signes traduisent une activité clinique élevée (CAS > 3), justifiant la mise en route d’un traitement immunosuppresseur ou corticoïde.