Ophtalmologie: Sous l’égide du Collège des ophtalmologistes universitaires de France

CHAPITRE 21: Hyperthyroïdie/orbitopathie dysthyroïdienne

Pr F. Mouriaux,     CHU de Rennes

Situations cliniques de départ

image 2 – Diarrhée.

image 17 – Amaigrissement.

image 21 – Asthénie.

image 24 – Bouffées de chaleur.

image 25 – Hypersudation.

image 26 – Anomalies de la croissance staturo-pondérale.

image 41 – Gynécomastie.

image 42 – Hypertension artérielle.

image 50 – Malaise/perte de connaissance.

image 61 – Syndrome polyuro-polydypsique

image 63 – Troubles sexuels et troubles de l’érection.

image 74 – Faiblesse musculaire

image 94 – Troubles du cycle menstruel.

image 135 – Troubles du sommeil, insomnie ou hypersomnie.

image 138 – Anomalie de la vision.

image 139 – Anomalies palpébrales

image 141 – Sensation de brûlure oculaire.

image 143 – Diplopie.

image 148 – Goitre ou nodule thyroïdien.

image 152 – œil rouge et/ou douloureux.

image 165 – Palpitations.

image 166 – Tachycardie.

image 178 – Demande/prescription raisonnée et choix d’un examen diagnostique.

image 194 – Analyse du bilan thyroïdien.

image 195 – Analyse du bilan lipidique.

image 200 – Dyscalcémie.

image 208 – Hyperglycémie.

image 225 – Découverte d’une anomalie cervico-faciale à l’examen d’imagerie médicale.

image 372230 – Rédaction de la demande d’un examen d’imagerie.

image 231 – Demande d’un examen d’imagerie.

image 233 – Identifier/reconnaître les différents examens d’imagerie.

image 251 – Prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale.

image 257 – Prescrire une contraception et contraception d’urgence.

image 279 – Consultation de suivi d’une pathologie chronique.

image 284 – Consultation de suivi et éducation thérapeutique d’un patient avec hypothyroïdie.

image 306 – Dépistage et prévention ostéoporose.

image 314 – Prévention des risques liés au tabac.

image 320 – Prévention des maladies cardiovasculaires.

image 328 – Annonce d’une maladie chronique.

image 339 – Prescrire un arrêt de travail.

image 352 – Expliquer un traitement au patient (adulte, enfant, adolescent).

image 354 – Évaluation de l’observance thérapeutique.

Hiérarchisation des connaissances

Rang Rubrique Intitulé

Unlabeled Image.

Identifier une urgence Connaître les signes cliniques évocateurs d’une crise aiguë thyrotoxique

Unlabeled Image.

Prévalence, épidémiologie Connaître la prévalence de l’hyperthyroïdie

Unlabeled Image.

Définition Définitions de l’hyperthyroïdie et de la thyrotoxicose

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître les signes cliniques d’une hyperthyroïdie

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître les critères diagnostiques d’une maladie de Basedow

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître les critères diagnostiques d’un nodule hypersécrétant

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître l’interprétation des dosages hormonaux

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître les critères diagnostiques d’une hyperthyroïdie iatrogène

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître les complications possibles de l’ophtalmopathie dysthyroïdienne : neuropathie optique compressive, kératite d’exposition

Unlabeled Image.

Diagnostic positif Connaître les signes biologiques spécifiques (anticorps anti-récepteurs de la TSH) et non spécifiques

Unlabeled Image.

Étiologie Connaître les trois étiologies les plus fréquentes d’hyperthyroïdie

Unlabeled Image.

Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge thérapeutique d’une hyperthyroïdie

Unlabeled Image.

Examens complémentaires Connaître les principaux examens complémentaires en ophtalmologie et leurs indications

Unlabeled Image.

Examens complémentaires Indications de la scintigraphie thyroïdienne et de l’échographie

image

I Définition

Unlabeled Image. L’hyperthyroïdie constitue l’ensemble des troubles liés à l’hyperfonctionnement de la glande thyroïde.

Le syndrome de thyrotoxicose correspond aux conséquences de l’excès d’hormones thyroïdiennes au niveau des tissus cibles, quelle que soit sa cause (par exemple un excès d’hormones thyroïdiennes exogènes).

Unlabeled Image. La prévalence de l’hyperthyroïdie est élevée, mais variable selon les pays (0,2 % à 1,9 % toutes causes confondues). Le sex-ratio femme/homme est d’environ 7.

II Syndrome de thyrotoxicose

A Manifestations cliniques

Unlabeled Image. L’intensité des manifestations cliniques dépend du degré de la thyrotoxicose, de sa durée et du terrain.

C’est l’association de plusieurs troubles qui fait évoquer le diagnostic. Ceux-ci sont présentés par ordre de fréquence dans le tableau 21.1.

Tableau 21.1

A Principaux signes et symptômes associés à la thyrotoxicose chez l’adulte.

Symptômes et signes cliniques Fréquence
Tachycardie de repos 96 %
Nervosité 93 %
Asthénie 88 %
Palpitations 86 %
Amaigrissement avec polyphagie 83 %
Thermophobie 82 %
Hypersudation 80 %
Tremblement 73 %
Dyspnée d’effort 73 %
Fatigabilité musculaire, amyotrophie 70 %
Polyexonération 35 %
Prurit 18 %
œdème des membres inférieurs 13 %
Fibrillation auriculaire 10 %

Source : CEEDMM, 2021.

1 Troubles cardiovasculaires

Les troubles cardiovasculaires se caractérisent par :

  • • une tachycardie régulière, sinusale, persistant au repos, avec palpitations et parfois dyspnée d’effort;
  • • une augmentation de l’intensité des bruits du cœur (éréthisme), avec parfois un souffle systolique de débit;
  • • un pouls vibrant;
  • • et parfois une élévation de la pression artérielle (PA) systolique.

2 Troubles neuropsychiques

Ces troubles sont caractérisés par :

  • • une nervosité excessive, une agitation psychomotrice et une labilité de l’humeur;
  • • un tremblement fin et régulier des extrémités;
  • • une fatigue générale;
  • • des troubles du sommeil.

3 Thermophobie

La thermophobie est accompagnée d’une hypersudation, avec les mains chaudes et moites.

4 Amaigrissement

Cet amaigrissement est rapide et souvent important, contrastant avec un appétit conservé ou augmenté (polyphagie).

5 Autres manifestations fréquentes

  • • Polydipsie : conséquence de l’augmentation de la production de chaleur.
  • • Amyotrophie : prédominant aux racines et accompagnée d’une diminution de la force musculaire (« signe du tabouret »).
  • • Augmentation de la fréquence des selles par accélération du transit.

6 Manifestations rares

Unlabeled Image. Rarement sont retrouvés : gynécomastie chez l’homme (par augmentation de la protéine porteuse des stéroïdes sexuels SHBG, voir Item 246 – Gynécomastie) et troubles des règles (de tous types) chez la femme; mais la fertilité est conservée.

B 374375Diagnostic

1 Confirmation de la thyrotoxicose

Unlabeled Image. La TSH est l’examen de première intention (recommandations de la Société française d’endocrinologie [SFE], 2016).

Lorsque la TSH est basse, on dose en deuxième intention la T4L pour apprécier l’importance de la thyrotoxicose.

Lorsque l’hyperthyroïdie est cliniquement évidente, il est possible de demander en première intention la TSH et la T4L pour ne pas retarder la prise en charge.

Le dosage de T3L n’est nécessaire que si la T4L est normale, afin de rechercher une hyper-thyroïdie à T3.

Unlabeled Image. La TSH est constamment effondrée en cas d’hyperthyroïdie, en dehors de deux pathologies extrêmement rares, s’accompagnant de TSH inappropriée (TSH normale ou augmentée avec T4L et/ou T3L augmentée) : adénome hypophysaire à TSH et résistance aux hormones thyroïdiennes (liée à une mutation du récepteur p aux hormones thyroïdiennes). Le profil hormonal très inhabituel doit faire évoquer ces deux étiologies.

2 Signes biologiques non spécifiques

Les perturbations suivantes sont inconstantes, mais peuvent révéler la maladie :

  • • diminution du cholestérol et des triglycérides (fonction des chiffres antérieurs);
  • • discrète hyperglycémie (parfois) et, surtout, aggravation d’un diabète associé;
  • • élévation des enzymes hépatiques;
  • • leuconeutropénie avec lymphocytose relative.

III Étiologie des hyperthyroïdies

Unlabeled Image. Une fois le diagnostic de thyrotoxicose établi, se pose la question de son origine, car les causes sont nombreuses. Parfois, le diagnostic est évident cliniquement (présence d’une orbito-pathie, par exemple, évocatrice d’une maladie de Basedow); dans d’autres cas, le diagnostic s’appuie sur des examens complémentaires.

A. Hyperthyroïdie d’origine auto-immune : la maladie de Basedow (Graves’ disease)

Il s’agit de la cause la plus fréquente d’hyperthyroïdie chez la femme jeune.

Unlabeled Image. Elle atteint 1,9 % des femmes et 0,4 % des hommes (soit 1 % de la population).

Unlabeled Image. Les caractéristiques de cette maladie sont les suivantes :

  • • c’est une maladie auto-immune due à des anticorps stimulant le récepteur de la TSH;
  • • elle est parfois associée à d’autres maladies auto-immunes, chez le patient ou dans sa famille;
  • • elle évolue sous forme soit d’un épisode unique (40 % à 50 % des cas), soit récidivant (50 % à 60 % des cas).

1 Diagnostic

Lorsqu’il existe des manifestations oculaires spécifiques, le diagnostic de maladie de Basedow est certain. Dans ce cas, la mesure des anticorps antirécepteurs de la TSH (TRAK) n’est pas indispensable pour le diagnostic, mais utile pour apprécier l’importance du phénomène auto-immun.

376En l’absence de manifestations orbitaires, le diagnostic repose en première intention sur la mesure des TRAK : un titre élevé permet d’affirmer la maladie de Basedow.

Unlabeled Image. En revanche :

  • • il est n’est pas indiqué d’en suivre l’évolution en cours de traitement;
  • • en fin de traitement médicamenteux par antithyroïdien de synthèse, un titre élevé d’anticorps antirécepteurs de TSH est un facteur prédisposant à la rechute, tandis que leur disparition ne permet pas d’affirmer la guérison.

Lorsque le titre des anticorps antirécepteurs de TSH est en dessous du seuil de positivité, la scin-tigraphie est indiquée pour faire le diagnostic étiologique (sauf en cas de grossesse ou d’allaitement qui la contre-indique). Celle-ci montre une hyperfixation diffuse et homogène de l’isotope.

L’écho-Doppler thyroïdien peut constituer une alternative, notamment en cas de grossesse. Il retrouve une glande globalement hypoéchogène et très vascularisée.

B Autres étiologies

Unlabeled Image. (Voir polycopié d’endocrinologie.)

IV Formes cliniques des thyrotoxicoses selon le terrain

(Voir polycopié d’endocrinologie.)

V Traitement des thyrotoxicoses

Unlabeled Image. Les thyrotoxicoses sont habituellement traitées en ambulatoire, mais il faut identifier les situations urgentes nécessitant une prise en charge immédiate, voire une hospitalisation. Les situations urgentes sont :

  • • une crise aiguë thyrotoxique, exceptionnelle;
  • • une cardiothyréose chez une personne âgée ou atteinte de maladie cardiaque;
  • • une orbitopathie maligne;
  • • une forme cachectisante du vieillard.

A Moyens thérapeutiques

1 Non spécifiques

Les moyens non spécifiques sont :

  • • le repos (arrêt de travail éventuel en fonction du retentissement de la maladie);
  • • les bêta-bloquants, avec respect des contre-indications habituelles; ils agissent rapidement et permettent d’attendre l’effet des traitements spécifiques; le propranolol (Avlocardyl®) est souvent choisi car il est non cardiosélectif – il réduit la tachycardie, mais aussi les tremblements;
  • • une contraception efficace chez la femme en âge de procréer.

2 Spécifiques

Unlabeled Image. (Voir polycopié d’endocrinologie.)

3 377Focus sur les principes thérapeutiques de la maladie de Basedow

Unlabeled Image. La première étape est toujours de restaurer l’euthyroïdie par un traitement antithyroïdien de synthèse (ATS). L’indication thérapeutique (traitement médical pendant 12 à 18 mois ou traitement radical par chirurgie ou iode radioactif) doit ensuite être discutée avec le patient, en lui expliquant les avantages et inconvénients des différentes solutions thérapeutiques.

Aucun traitement de la maladie de Basedow n’est parfait, puisqu’aucun n’agit sur la cause de la maladie.

Le traitement médical est souvent proposé en cas de première poussée de maladie de Basedow. Il doit être poursuivi 12 à 18 mois. Chez l’enfant et l’adolescent, le risque de récidive est plus important, ce qui nécessite des traitements prolongés de 2 à 4 ans.

En dehors de la grossesse, l’ATS recommandé est le carbimazole ou son apparenté, le méthi-mazole. Après traitement médical bien conduit par ATS, une rechute survient dans 40 % à 50 % des cas.

Si une rechute survient, on peut discuter avec le patient de trois stratégies : la thyroïdectomie ou le traitement par iode radioactif – ces deux derniers entraîneront une hypothyroïdie définitive –, ou la poursuite du traitement par ATS au long cours.

VI Orbitopathie dysthyroïdienne

A Généralités

Unlabeled Image. Le mot « orbitopathie » est plus juste que le mot ophtalmopathie, car il s’agit d’une atteinte de l’orbite (muscles oculomoteurs et graisse orbitaire). Dans la très grande majorité des cas, l’orbitopathie complique une maladie de Basedow (appelée maladie de Grave ou Grave’s disease dans les pays anglo-saxons). L’atteinte de l’orbite peut aussi s’inscrire, plus rarement, dans le cadre d’une thyroïdite auto-immune de Hashimoto.

Unlabeled Image. Les anticorps antirécepteur de la thyroid stimulating hormone (TSH), qui stimulent la thyroïde, agissent également sur les muscles oculomoteurs et la graisse orbitaire, augmentant ainsi leurs volumes.

L’atteinte orbitaire survient chez 25 % des patients qui ont une maladie de Basedow; en d’autres termes, 75 % des patients atteints d’une maladie de Basedow n’auront jamais d’orbitopathie. L’orbitopathie est bilatérale dans 75 % des cas. Elle survient quasi en même temps que l’hyper-thyroïdie dans 80 % des cas. Dans 10 % des cas, l’atteinte orbitaire la précède, et dans 10 % des cas, elle apparaît plus tard, alors que le patient est déjà traité pour sa maladie thyroïdienne. Il est donc important d’informer ces patients des premiers symptômes oculaires afin que leur éventuelle apparition les conduise à consulter rapidement.

B Manifestations ophtalmologiques

1 Signes orbitaires : l’exophtalmie

Unlabeled Image. L’exophtalmie est le signe le plus classique dans l’orbitopathie dysthyroïdienne. Cette exophtalmie est bilatérale chez 75 % des patients (fig. 21.1). Elle est symétrique ou asymétrique. Classiquement, en l’absence d’activité inflammatoire, elle est axile, non pulsatile, réductible et indolore. Elle est secondaire à l’hypertrophie des muscles oculomoteurs et/ou de la graisse orbitaire. Elle est mesurée par l’ophtalmométrie. On utilise en général l’ophtalmo-mètre de Hertel (fig. 21.2). En cas d’exophtalmie, l’ophtalmométrie est supérieure à 21 mm.

Unlabeled Image.
Exophtalmie bilatérale inflammatoire compatible avec une orbitopathie de Basedow active.
Fig. 21.1 Exophtalmie bilatérale chez une patiente ayant une orbitopathie de Basedow.
Le volume des paupières supérieures et inférieures est augmenté (aspect de poche palpébrale dû à l’augmentation de la graisse palpébrale).

Sur cette photographie frontale, on observe une exophtalmie marquée, symétrique, avec protrusion bilatérale des globes oculaires. Les paupières inférieures sont nettement bombées, traduisant un œdème périorbitaire avec relâchement cutané. La conjonctive est injectée, notamment en nasal, signe d’une irritation inflammatoire. L’ouverture palpébrale est exagérément large, surtout en vertical, laissant voir une sclère trop exposée. Cette configuration faciale, combinée à la rétraction palpébrale et à l’inflammation conjonctivale, est typique d’une orbitopathie dysthyroïdienne dans le contexte d’une maladie de Basedow active.

Unlabeled Image.
Mesure précise de l’exophtalmie avec l’ophtalmomètre de Hertel.
Fig. 21.2 A, B. L’ophtalmométrie de Hertel mesure le degré d’exophtalmie.

Les deux vues illustrent la mesure de l’exophtalmie à l’aide d’un ophtalmomètre de Hertel. Sur l’image A, un médecin en blouse blanche tient fermement l’appareil appuyé contre les rebords orbitaires externes du patient, en position assise face à l’examinateur. Sur l’image B, un gros plan montre la lecture directe sur la règle millimétrée de l’instrument, l’alignement se faisant avec la surface la plus antérieure de la cornée. La précision du geste et la posture rigoureuse témoignent de l’importance de cet examen dans l’évaluation de la protrusion oculaire, notamment en cas d’orbitopathie.

2 378Signes palpébraux

Les signes palpébraux sont les suivants :

  • • la rétraction des paupières (fig. 21.3), qu’il s’agisse de la paupière supérieure et/ou de la paupière inférieure avec asynergie oculopalpébrale vers le bas, c’est-à-dire que la paupière supérieure ne descend pas correctement dans le regard vers le bas;
    Unlabeled Image.
    Rétraction palpébrale supérieure droite sans exophtalmie, évocatrice de Basedow.
    Fig. 21.3 Rétraction de la paupière supérieure droite chez une patiente ayant une orbitopathie de Basedow (pas d’exophtalmie).

    Sur ce portrait en gros plan, on observe une asymétrie manifeste du regard. La paupière supérieure droite est nettement rétractée, laissant apparaître une sclère plus importante par rapport à l’œil gauche. Cette élévation anormale du bord palpébral supérieur est caractéristique d’une orbitopathie associée à la maladie de Basedow. Aucun signe d’exophtalmie n’est visible ici : le globe oculaire reste bien positionné dans l’orbite, sans protrusion vers l’avant. L’alignement pupillaire est conservé, ce qui renforce l'impression de dysfonction localisée au muscle releveur de la paupière. Le reste du visage, notamment la symétrie des sourcils et le front détendu, ne montre pas d’anomalie.

  • • œdème inflammatoire des paupières (fig. 21.4);
    Unlabeled Image.
    Œdème palpébral inflammatoire asymétrique, rougeur et tension cutanée marquées.
    Fig. 21.4 œdème de paupière inflammatoire.
    Les quatre paupières sont gonflées et rouges.

    L’image montre un visage avec un œdème palpable au niveau des paupières supérieures et inférieures, prédominant du côté droit. Les tissus périoculaires sont nettement gonflés et prennent une teinte rougeâtre, témoignant d’un processus inflammatoire actif. La conjonctive semble elle aussi légèrement injectée, avec une vascularisation plus marquée. Le regard est asymétrique, et l’on perçoit une tension cutanée au-dessus des yeux, signe d’infiltration tissulaire. Les sourcils froncés renforcent l'impression de gêne ou d’inconfort. Cet aspect évoque un œdème de type inflammatoire, fréquemment associé à une orbitopathie dysthyroïdienne.

  • • diminution de la fréquence du clignement;
  • • lagophtalmie, c’est-à-dire impossibilité de fermer la paupière complètement, ce qui peut entraîner une kératite par sécheresse de la cornée (fig. 21.5).
    Unlabeled Image.
    Lagophtalmie gauche avec cornée exposée, œdème palpébral et rougeur localisée.
    Fig. 21.5 Lagophtalmie ou insuffisance de fermeture de l’œil.
    Le risque est l’apparition d’une atteinte de la cornée.

    Cette image montre un visage âgé, vu de face, avec une atteinte oculaire nette du côté gauche. La paupière supérieure ne couvre pas complètement le globe oculaire, laissant apparaître une cornée laiteuse et un sclérotique exposé. On observe un œdème palpébral inférieur ainsi qu’une rougeur localisée au bord libre, suggérant une irritation chronique. Le globe semble en partie desséché, accentuant l’impression de lagophtalmie. Le côté droit contraste par une fermeture complète de l’œil, ce qui met en évidence l’asymétrie fonctionnelle. L’ensemble traduit une atteinte de la fermeture palpébrale, potentiellement liée à une paralysie faciale ou à une rétraction cicatricielle.

3 379Troubles oculomoteurs

Il s’agit d’une myosite. Lors de la phase inflammatoire, le muscle est inflammatoire. Une douleur lors de la mobilisation du globe est classique. Lors de la phase séquellaire, le muscle est fibrosé et se rétracte. L’atteinte musculaire se manifeste par la survenue d’une diplopie binoculaire (fig. 21.6) avec une déviation oculaire (strabisme).

Unlabeled Image.
Désalignement oculaire discret évoquant une atteinte motrice orbitopathique.
Fig. 21.6 Trouble oculomoteur chez un patient ayant une orbitopathie de Basedow.
Les yeux ne sont pas dans l’axe car il y a une myosite; le patient voit double (diplopie).

L’image montre un visage âgé en gros plan, centré sur les yeux. On remarque un désalignement subtil des globes oculaires : l’œil gauche paraît en position légèrement abaissée par rapport à l’œil droit. Le regard semble asymétrique, avec une amplitude de mouvement réduite, probablement en élévation ou en abduction. Les paupières supérieures sont ouvertes normalement, sans signe d’exophtalmie marquée ni œdème. Le contour palpébral est conservé mais légèrement plissé, en lien avec l’âge. L’expression globale traduit un trouble oculomoteur, évocateur d’une atteinte musculaire restrictive souvent observée dans l’orbitopathie de Basedow.

4 Autres

L’hypertonie oculaire est fréquente. Elle est estimée entre 5 % et 15 % des patients ayant une orbitopathie dysthyroïdienne. Cette hypertonie n’est pas synonyme de glaucome. La rougeur de la conjonctive et l’inflammation de la conjonctive (chémosis) signent l’activité inflammatoire de la maladie.

C 380Complications

Unlabeled Image. Quand les complications sont majeures, on parle d’orbitopathie maligne. L’atteinte cor-néenne est une complication liée le plus souvent à l’exophtalmie et à la rétraction de la paupière supérieure avec insuffisance de fermeture (lagophtalmie; voir fig. 21.5). Elle peut être minime à type de kératite (fig. 21.7A,B) et peut également aboutir à une perforation cor-néenne dans les cas les plus graves.

Unlabeled Image.
Ulcération cornéenne droite liée à une exophtalmie sévère et une lagophtalmie.
Fig. 21.7 A, B. Complication cornéenne à type d’ulcération droite liée à l’importante exophtalmie empêchant la fermeture complète de la paupière.

La première image montre un visage avec exophtalmie bilatérale nette, plus marquée à droite. Les globes oculaires sont projetés vers l’avant, avec un sclère très exposé. On distingue une rougeur conjonctivale et une fermeture palpébrale incomplète, favorisant une sécheresse oculaire. Sur la deuxième image, une vue rapprochée avec éclairage à la fluorescéine met en évidence une ulcération centrale de la cornée droite, bien délimitée, fluorescente sous lumière bleue de Wood. La surface cornéenne semble irrégulière et l’épithélium endommagé. Cette atteinte cornéenne traduit une kératopathie d’exposition secondaire à une exophtalmie sévère et une lagophtalmie persistante.

L’orbitopathie dysthyroïdienne peut se compliquer d’une neuropathie optique compressive. Cette neuropathie peut être secondaire à une compression directe des muscles de l’apex.

Ces deux complications (atteinte de la cornée et neuropathie optique) justifient un traitement par bolus de méthylprednisolone à forte dose et/ou une chirurgie à type de décompression orbitaire Unlabeled Image. et/ou des traitements médicaux ciblés.

D Examens complémentaires

Unlabeled Image. L’imagerie est essentielle pour mieux comprendre le mécanisme de l’orbitopathie. Le scanner et l’IRM sont complémentaires (fig. 21.8). Ils peuvent conforter le diagnostic d’exophtalmie, et objectiver les rapports entre les nerfs optiques et les muscles à l’apex orbitaire en cas de neuropathie optique.

Unlabeled Image.
Épaississement musculaire orbitaire en contact avec les nerfs optiques, évoquant une orbitopathie compressive.
Fig. 21.8 Tomodensitométrie de la partie postérieure de l’orbite en coupe coronale montrant des gros muscles au contact des nerfs optiques.

Cette coupe coronale de tomodensitométrie met en évidence un épaississement significatif des muscles oculomoteurs, en particulier les muscles droits inférieurs et médians. Leur volume anormalement augmenté réduit l’espace rétro-orbitaire et crée un contact étroit avec les nerfs optiques bilatéralement. On note que les structures osseuses orbitaires sont bien délimitées, sans lyse apparente, tandis que les sinus para-nasaux, bien visibles au centre de l’image, sont aérés. L’aspect évoque une orbitopathie thyroïdienne active, avec risque de neuropathie optique compressive en raison de l’encombrement postérieur de l’orbite par les muscles élargis.

L’appréciation de la neuropathie optique se fait par l’examen des pupilles (recherche d’un déficit pupillaire afférent), du champ visuel, de la vision des couleurs, de la tomographie par cohérence optique et des potentiels évoqués visuels.

E 381Traitement de l’orbitopathie

1 Traitement médical

Le traitement antithyroïdien n’a aucun effet direct sur l’orbitopathie, qui n’est pas due à la thyrotoxicose, mais l’obtention de l’euthyroïdie en évitant le passage en hypothyroïdie peut améliorer l’état orbitaire. L’arrêt du tabac est indispensable, car celui-ci est fortement impliqué dans la physiopathogénie de cette maladie et l’aggrave.

Les traitements oculaires locaux consistent à améliorer la symptomatologie de ces patients, qui se plaignent de troubles de la surface oculaire (picotements, brûlures) secondaires à la rétraction de la paupière supérieure, de l’exophtalmie et d’un moindre clignement. Un traitement par des substituts lacrymaux (larmes, gels, etc.) est donc très utile chez ces patients. Le traitement par sélénium peut aussi être utile dans les formes modérées.

En cas de diplopie avec un trouble oculomoteur modéré, on propose des prismes et/ou une chirurgie.

2 Quand proposer un traitement anti-inflammatoire ?

Un traitement anti-inflammatoire est indiqué quand il y a une inflammation (e-fig. 21.9).

Un traitement anti-inflammatoire, par bolus de méthylprednisone à forte dose, est proposé en cas de complications majeures (neuropathie optique, ulcère de cornée).

Un traitement anti-inflammatoire, par bolus de méthylprednisone à dose modérée, est indiqué quand il y a une inflammation orbitaire sans complication majeure et doit être débuté le plus rapidement possible.

La radiothérapie externe peut également être proposée dans les cas corticorésistants. Son effet est moins rapide que la corticothérapie.

3 Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical est de trois types :

  • • une chirurgie de décompression orbitaire afin d’augmenter le volume orbitaire – cette décompression peut être uniquement osseuse ou peut également enlever de la graisse (lipectomie);
  • • la chirurgie des muscles oculomoteurs quand la diplopie ne peut pas être appareillée par les prismes;
  • • la chirurgie des paupières : chirurgie de la rétraction des paupières et/ou blépharoplastie, c’est-à-dire ablation du tissu cutané et graisseux excessif.

382

image Compléments en ligne

Unlabeled Image. QRU 1

Parmi ces signes sémiologiques, quels sont ceux observés dans l’orbitopathie dysthyroidienne, quelle est la réponse juste ?

  • Énophtalmie
  • Augmentation du clignement
  • Syndrome sec oculaire
  • Sclérite
  • Ptosis

Unlabeled Image. QRU 2

Lors d’une atteinte oculo-motrice dans l’orbitopathie de Basedow, quelle est la réponse juste ?

  • La diplopie dans le regard vers le bas et constante
  • La douleur lors des mouvements oculaires est possible
  • La diplopie est monoculaire
  • L’atteinte disparait sous traitement anti-inflammatoire
  • Le muscle devient atone

Unlabeled Image. QRM 3

À propos des complications de l’orbitopathie dysthyroïdienne, quelles sont les réponses justes ?

  • Ulcération de cornée
  • Exophtalmie
  • Neuropathie optique
  • Myosite
  • Rétraction de la paupière

image 383Réponses

QRU 1

Réponse : C.

Le syndrome sec est secondaire à la rareté du clignement et d’un clignement non complet source d’une lagophtalmie. La cornée va donc « sécher » et entraîner une kératite à prédominance inférieure.

QRU 2

Réponse : B.

La diplopie existe lorsque l’atteinte est importante, elle peut donc être absente dans les formes minimes de myosite. Les muscles le plus souvent atteints sont le droit médial et le droit inférieur. La douleur est classique lors de la phase inflammatoire de la maladie. La myosite peut s’atténuer lors du traitement mais ne disparait pas complètement, le muscle devenant fibrosé et se rétracte.

QRM 3

Réponse : A, C.

L’exophtalmie, la myosite et la rétraction de la paupière sont des signes sémiologiques l’orbitopathie. Les deux complications graves à connaître sont les complications cornéennes et la neuropathie optique compressive.

image Compléments en ligne

Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils sont indiqués dans le texte par un picto. Pour voir ces compléments, connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/e-complements/478662 et suivez les instructions.

Unlabeled Image.
Inflammation orbitopathique active bilatérale nécessitant traitement anti-inflammatoire.
e-Fig. 21.9 A, B. Patients ayant une Orbitopathie inflammatoire nécessitant un traitement antiinflammatoire.

Les deux clichés illustrent des patients présentant une orbitopathie inflammatoire active. Sur l’image A, on observe un chémosis conjonctival marqué, une hyperémie importante des conjonctives bulbaire et palpébrale ainsi qu’une injection diffuse. L’œil gauche montre une protrusion plus accentuée, évoquant une exophtalmie asymétrique. Sur l’image B, l’inflammation est plus diffuse mais clairement visible, avec une rougeur conjonctivale bilatérale, un œdème palpébral et une dilatation vasculaire marquée. Dans les deux cas, les signes traduisent une activité clinique élevée (CAS > 3), justifiant la mise en route d’un traitement immunosuppresseur ou corticoïde.