CHAPITRE 3: Item 47 Suivi d’un nourrisson
Pr A. Sauer, CHU de Strasbourg
265 – Consultation de suivi d’un nourrisson en bonne santé : le suivi du nourrisson permet de s’assurer de son bon développement visuel et de l’absence de pathologie cécitante ou menaçant le pronostic vital.
Hiérarchisation des connaissances
| Rang | Rubrique | Intitulé et descriptif |
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Prévalence, épidémiologie | Mortalité et morbidité infantiles Y compris accidentologie et en fonction de l’âge |
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Physiopathologie | Comprendre le développement du système visuel Connaître les étapes de mise en place de la vision binoculaire chez l’enfant |
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Définition | Connaître les définitions des tranches d’âge des enfants* |
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Définition | Médecine scolaire Bilans de santé systématiques à l’âge scolaire – coordination avec médecine scolaire |
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Définition | Examens médicaux obligatoires du nourrisson et de l’enfant |
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Définition | Connaître le dépistage systématique des troubles visuels Examens ophtalmologiques recommandés chez l’enfant |
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Diagnostic positif | Connaître les signes fonctionnels et physiques évocateurs de malvoyance chez l’enfant |
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Diagnostic positif | Connaître les modalités de dépistage d’un strabisme et d’un risque d’amblyopie chez l’enfant |
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Diagnostic positif | Connaître les modalités du dépistage des troubles visuels par le médecin traitant Connaître les grands principes cliniques du dépistage visuel du nourrisson et de l’enfant : tests cliniques en fonction de l’âge |
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Diagnostic positif | Connaître les grands principes cliniques du dépistage visuel du nourrisson et de l’enfant : tests cliniques en fonction de l’âge |
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Diagnostic positif | Connaître les particularités de l’examen de suivi des adolescents |
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Diagnostic positif | Connaître le raisonnement diagnostique face à un strabisme de l’enfant |
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Étiologies | Connaître les principales causes d’amblyopie |
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Étiologies | Connaître les principales causes de strabisme de l’enfant |
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Prise en charge | Accidents chez l’enfant : connaître les moyens de prévention |
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Prise en charge | Connaître les indications d’adressage d’un enfant à un ophtalmologiste |
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Prise en charge | Connaître les éléments d’interrogatoire et d’examen clinique systématique d’un enfant en fonction de son âge et du contexte |
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Prise en charge | Connaître les recommandations professionnelles du suivi des nourrissons et enfants |
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Prise en charge | Connaître les principales situations à risque des troubles visuels |
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Prise en charge | Connaître les objectifs et les items contenus dans les trois certificats médicaux accompagnant le suivi systématique obligatoire du nourrisson |
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Examens complémentaires | Connaître les principes d’examen pour une suspicion de strabisme chez un enfant |

I Introduction
Les déficits visuels du jeune enfant peuvent être séparés en :
- • déficits mineurs et modérés qui sont les plus nombreux et comprennent les amétropies ou troubles de la réfraction (myopie, hypermétropie, astigmatisme) et le strabisme;
- • déficits sévères, beaucoup plus rares, comprenant les pathologies des milieux transparents de l’œil (traumatisme grave, cataracte congénitale, glaucome congénital, pathologie vitréenne), les malformations oculaires, les rétinopathies et les atteintes neurologiques centrales.
Les pathologies ophtalmologiques sont relativement fréquentes puisqu’on estime qu’un enfant sur 5 à 6 présente une anomalie visuelle (quelle qu’en soit la sévérité), soit environ 1 million d’enfants en France. Parmi ces enfants, environ 4 à 5 000 sont en situation de cécité bilatérale (acuité visuelle inférieure à 1/10e). Le dépistage des anomalies visuelles de l’enfant est du ressort du pédiatre et du spécialiste de médecine générale, en collaboration le cas échéant avec l’ophtalmologiste.
63 Si elles ne sont pas dépistées et traitées à temps, certaines amétropies et/ou certaines pathologies (strabisme, cataracte, etc.) peuvent être à l’origine d’une amblyopie. L’amblyopie est une diminution le plus souvent unilatérale (mais parfois bilatérale) de l’acuité visuelle, non améliorable par une correction. Cette amblyopie peut être rééduquée dans les premières années de vie, puis elle est définitive, classiquement après l’âge de 6 ans (de façon schématique). Cela souligne le fait qu’il est essentiel de dépister les anomalies visuelles le plus précocement possible.
Seuls le dépistage systématique et la coopération intensive des parents, du pédiatre, de l’ophtalmologiste et de l’orthoptiste permettront de déceler le trouble visuel, de le prendre en charge, de le traiter et d’assurer le suivi de ces enfants au cours des premières années de vie, période essentielle pour le développement des fonctions visuelles.
En effet, les acquisitions visuelles sont essentielles avant l’âge de 3 ans et le développement de la fonction visuelle se fait dans les premiers mois et les premières années de vie.
II Rappel sur le développement de la vision de l’enfant
Les étapes séquentielles importantes du développement visuel sont les suivantes. Les dates correspondent à celles habituellement observées lors d’un développement normal. Elles peuvent varier de plusieurs semaines voire de plusieurs mois (comme pour l’acquisition du langage ou de la marche) selon les enfants.
Le réflexe photomoteur est en général présent dès la naissance, mais d’amplitude et de vitesse plus limitées que chez l’adulte. Entre la 2e et la 4e semaine de vie, le réflexe de poursuite apparaît, suivi entre 4 et 12 semaines par les réflexes de fusion et de coordination binoculaire. Vers 3 à 4 mois, un nourrisson fixera un objet immobile et aura acquis un réflexe de convergence. Vers 5 mois, l’enfant pourra suivre du regard et commencer à attraper les objets (coordination tête-œil-main). Une acuité visuelle pourra être obtenue vers l’âge de 2 à 3 ans soit par appariement, soit en nommant des optotypes sur des échelles adaptées à l’âge (Pigassou, E de Snellen puis Monoyer).
Chez l’enfant d’âge préverbal, les examens ophtalmologiques colligés dans le carnet de santé, pouvant être réalisés par un pédiatre, un médecin généraliste ou un ophtalmologiste, s’effectuent l’âge de 1 semaine, 4 mois, 9 mois et 24 mois.
Au cours de ces différents examens, la recherche d’un strabisme et d’un nystagmus, d’une anomalie organique ou d’un trouble du comportement visuel est effectuée. À la naissance, un médecin doit renseigner sur le carnet de santé si les globes oculaires sont de taille normale, si les cornées sont transparentes, les pupilles normales et les lueurs pupillaires présentes. Ces 64éléments, ainsi que la présence d’une poursuite oculaire et d’un strabisme sont colligés au 2e, 4e, 9e et 24e mois.
Enfin, en âge scolaire, un bilan ophtalmologique évaluant les visions de près et de loin, la poursuite oculaire et la tolérance à l’occlusion alternée, de même que la vision stéréoscopique est pratiqué entre 3 et 6 ans avant l’entrée au CP. Une anomalie demande un avis spécialisé systématiquement.
III Signes pathologiques
A Examen du nouveau-né (premier mois de vie)
Un examen ophtalmologique est indiqué lors de la première semaine de vie. Cet examen recherche essentiellement les pathologies congénitales ou celles contractées lors de l’accouchement.
L’examinateur recherchera les signes d’appel suivants : une leucocorie, un larmoiement, diverses malformations du globe oculaire incluant une anomalie de la taille des globes oculaires et une anomalie pupillaire.
1 Leucocorie (ou pupille blanche)
En illuminant, l’aire pupillaire avec un ophtalmoscope, le reflet habituellement orangé peut apparaître blanc; il s’agit alors d’une leucocorie. Les deux principales étiologies de leucocorie sont le rétinoblastome et la cataracte congénitale. Ces deux diagnostics nécessitent une prise charge spécialisée et urgente (fig. 3.1 et fig. 3.2).

Cette photographie clinique en gros plan montre un œil droit d’un nourrisson présentant une leucocorie bien visible. Ce reflet blanc anormal au centre de la pupille contraste fortement avec l’iris foncé environnant. Le cliché est pris alors que les paupières sont délicatement écartées à la main pour permettre une meilleure observation du segment antérieur de l’œil. La présence de cette leucocorie est un signe d’alerte important et peut être révélatrice d’un rétinoblastome, une tumeur oculaire maligne rare qui affecte principalement les jeunes enfants. L’image souligne la nécessité d’un dépistage ophtalmologique en cas de reflet pupillaire anormal, même isolé, afin de permettre un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée. L’aspect réfléchi de la pupille, capté par la lumière, contraste avec l’absence de rougeur ou d'autres anomalies visibles à la surface, rendant ce signe clinique encore plus discret mais crucial à reconnaître.
Le rétinoblastome est une tumeur maligne développée aux dépens de la rétine. Un rétinoblastome peut être diagnostiqué dès la naissance, mais aussi au cours de la petite enfance. Le signe d’appel le plus fréquent est la leucocorie. Le diagnostic peut aussi être suspecté devant un strabisme (voir chapitre 4). Le diagnostic est évoqué au fond d’œil devant une masse développée aux dépens de la rétine. L’imagerie (échographie en mode B et imagerie par résonance magnétique [IRM] cérébrale et orbitaire) permet de confirmer la tumeur et de déterminer son extension. La prise en charge thérapeutique relève de centres spécialisés.
La cataracte (opacification du cristallin) représente quant à elle une urgence fonctionnelle car elle menace le bon développement visuel et fait craindre une amblyopie profonde en cas de prise en charge retardée. Son diagnostic est clinique. Elle doit être prise en charge chirurgica-lement dans les semaines qui suivent son diagnostic.
Les autres causes de leucocorie (fibres à myéline, toxoplasmose congénitale, toxocarose, maladies de Coats, etc.) sont plus rares. Une leucocorie impose toujours un examen ophtalmologique spécialisé en urgence.
2 Larmoiement
65La conduite diagnostique dépend de la nature du larmoiement : sale et purulent ou clair.
En cas de larmoiement purulent ou sanguinolent, il conviendra d’évoquer une conjonctivite du nouveau-né (fig. 3.3). Les infections nosocomiales (staphylocoques) sont les plus fréquentes et se traitent par antibiothérapie en collyres. Il convient de toujours évoquer une possible transmission d’une maladie sexuellement transmissible lors d’un accouchement par voie basse. Les pathogènes impliqués sont alors le gonocoque (conjonctivite purulente survenant entre le 2e et le 4e jour, dont l’évolution locale et systémique peut être sévère) et la chlamydiose (conjonctivite pseudo-membraneuse du 8e jour qui s’associe souvent à une pneumopathie). Dans les deux cas, un traitement systémique du nouveau-né et de sa mère est indiqué.

Chez un nourrisson profondément endormi, l’œil gauche présente une accumulation manifeste de sécrétions épaisses de couleur jaune, collées le long des cils et de la paupière inférieure. L’aspect collant et croûteux du dépôt évoque une origine infectieuse, probablement bactérienne. L’ensemble du contour palpébral paraît légèrement irrité, avec une rougeur diffuse, possiblement due à une inflammation locale ou au contact répété avec les larmes infectées. L’œil reste fermé, peut-être en raison d’un gonflement modéré ou simplement lié au sommeil, mais la présence marquée de pus alerte sur une infection en cours. Ce type de tableau est fréquent chez les nourrissons atteints de conjonctivite, nécessitant une prise en charge rapide et adaptée.
En cas de larmoiement clair, il convient d’évoquer un glaucome congénital (neuropathie optique liée à une hypertonie oculaire (fig. 3.4). Le glaucome congénital résulte essentiellement d’une immaturité de l’angle iridocornéen faisant ainsi obstacle à l’écoulement de l’humeur aqueuse. Le glaucome congénital est une affection rare, généralement bilatérale (75 % des cas) et potentiellement cécitante. Le glaucome congénital est suspecté devant la triade larmoiement-buphtalmie-photophobie. En pratique, la buphtalmie est définie par l’association d’une méga-locornée (augmentation du diamètre de la cornée), souvent associée à un œdème cornéen, et une augmentation de la longueur axiale.

Cette photographie clinique montre les deux yeux d’un jeune enfant maintenus ouverts pour examen, révélant une importante dilatation cornéenne avec un aspect anormalement bombé et bleuté des globes oculaires. La cornée est fortement élargie, brillante et légèrement opacifiée, caractéristiques évocatrices d’un glaucome congénital bilatéral. Les reflets lumineux accentuent la tension intraoculaire élevée, typique de cette pathologie. La symétrie des anomalies dans les deux yeux et l’élargissement visible des segments antérieurs suggèrent une atteinte précoce et sévère nécessitant une prise en charge rapide pour éviter une perte visuelle irréversible. L’image met en évidence les signes oculaires spécifiques associés à cette maladie rare mais grave de la petite enfance.
66Le diagnostic est confirmé par la présence d’une hypertonie intraoculaire et d’une excavation papillaire. Le traitement du glaucome congénital est chirurgical (chirurgie filtrante) et la prise en charge d’une amétropie et d’une amblyopie doit toujours être associée.
La sténose congénitale (ou imperforation) des voies lacrymales est la deuxième grande cause de larmoiement clair du nourrisson. Le patient peut aussi présenter des épisodes de surinfections liés à la stase des larmes sous forme de conjonctivite bactérienne ou de dacryocystite aiguë (abcès du sac lacrymal). L’évolution est souvent spontanément favorable avant l’âge de 1 an. En cas de complications, il peut être proposé un sondage ou une intubation des voies lacrymales.
3 Malformations oculaires
L’examen recherche une anomalie des paupières (malposition ou colobome), une anomalie de taille du globe oculaire (microphtalmie ou buphtalmie), une opacité cornéenne, une cataracte ou une anomalie du fond d’œil. Toute malformation fera pratiquer un bilan à la recherche d’atteintes d’autres organes, principalement neurologique, ORL et cardiaque.
4 Anomalies pupillaires
Dans les défauts de réactions pupillaires, une attention toute particulière doit être donnée au syndrome de Claude Bernard-Horner congénital (ptosis-myosis-énophtalmie), qui doit faire éliminer en urgence un neuroblastome, et à la paralyse congénitale du III (mydriase et paralysie oculomotrice), qui doit faire rechercher des anomalies intracrâniennes. Le colobome irien est une anomalie embryonnaire par défaut de fermeture du tube neural (fig. 3.5). Il peut s’intégrer dans un syndrome polymalformatif, incluant des anomalies ORL (atrésies des choanes, surdité), génitales, cardiaques, etc.

Cette photographie en couleur montre le regard d’un jeune enfant atteint d’un colobome irien bilatéral. Sur chacun de ses yeux bleus, on observe une encoche caractéristique en forme de larme inversée ou de trou noir partant du bord inférieur de l’iris vers la pupille. Cette anomalie donne à la pupille une apparence allongée et non ronde, ce qui rompt la symétrie habituelle de l’œil. Les reflets rouges visibles dans les pupilles, probablement dus à une prise de vue avec flash, laissent percevoir le fond d’œil, mais mettent aussi en évidence la déformation nette du contour pupillaire. L’aspect général du visage est serein, et la lumière naturelle accentue le contraste entre le bleu clair de l’iris et la tache sombre du colobome, visible de façon identique dans les deux yeux. Il s’agit clairement d’un cliché clinique ophtalmologique pris pour illustrer une malformation congénitale de l’iris.
B Examen du nourrisson (1 mois à 2 ans)
En plus des éléments déjà détaillés dans le paragraphe précédent, l’examen du nourrisson vise à mettre en évidence une malvoyance, une amétropie, une amblyopie et un éventuel strabisme (voir chapitre 4).
1 67Signes et bilan de malvoyance
Lors des examens visuels du bébé, à l’âge préverbal, l’examinateur recherche un nystagmus, une errance du regard, un strabisme ou un signe digito-oculaire (pression digitale régulière des globes oculaires) qui traduisent une malvoyance.
Il évalue ensuite la fixation, puis la poursuite d’un objet ou de la lumière, puis la préhension d’un objet. L’indifférence visuelle diagnostiquée avant un an peut être liée à un simple retard de maturation fovéolaire qui rentrera dans l’ordre spontanément ou à une cécité congénitale organique (dégénérescence rétinienne, atrophie optique, cécité corticale). En l’absence de fixation chez un nourrisson et encore plus en cas de nystagmus, un bilan incluant un fond d’œil, des potentiels évoqués visuels, un électrorétinogramme et une imagerie des voies optiques et cérébrale est indiqué, afin de définir son origine (rétinienne, voie optique ou centrale). Un bilan ophtalmologique complet à la recherche d’une anomalie pupillaire, d’une leucocorie, d’une anomalie rétinienne et papillaire est aussi indiqué.
2 Recherche d’une amétropie, d’une amblyopie ou d’un strabisme
Dans un premier temps, en éclairant de face un enfant, il convient de rechercher une asymétrie des reflets cornéens qui sont normalement centrés sur la pupille (test des reflets) (fig. 3.6). Ensuite, en cachant alternativement un œil puis l’autre avec un écran (test de l’écran), l’examinateur cherche un mouvement de restitution (passage d’une position déviée à une position de fixation) lors de la levée d’occlusion. Ce signe est évocateur d’un strabisme. La réalisation d’un stéréotest (Lang, Randot, etc.) permet de quantifier la vision binoculaire dès que l’enfant est en âge de coopérer. Un déficit traduit une vision binoculaire altérée ou absente, fréquente en cas de strabisme. En cas de strabisme, l’examen est complété par un test de la motilité oculaire qui cherche une paralysie oculomotrice. En l’absence de paralysie oculomotrice, un examen complet (segment antérieur et fond d’œil) doit être réalisé très rapidement pour éliminer un strabisme secondaire à une privation visuelle. Si cet examen est normal, une mesure de la réfraction objective sous cycloplégique (voir plus loin) sera réalisée pour éliminer une amétropie à l’origine du strabisme (notamment les hypermétropies fortes qui engendrent un excès d’accommodation et de convergence).

Astérisque : position attendue du reflet cornéen en l’absence de strabisme.
Sur cette photo clinique prise en lumière directe, un nourrisson est observé en pleine fixation frontale, les pupilles bien ouvertes, laissant apparaître un reflet rouge homogène dans chaque œil. Ce reflet est produit par le flash photographique qui se réfléchit sur la rétine, un signe normal indiquant l'absence d'opacité des milieux internes comme la cornée ou le cristallin. Les deux reflets sont symétriques, bien centrés, sans zones blanches ou obscures, ce qui exclut à ce stade la présence d’anomalies visuelles majeures comme une leucocorie, une cataracte congénitale ou un strabisme masqué. Ce test, simple mais très efficace, fait partie des gestes de dépistage visuel systématique chez le jeune enfant. Il permet de vérifier très tôt si la lumière atteint bien la rétine, condition essentielle au bon développement de la vision.
Dans un second temps de l’examen, un test d’occlusion (patch occultant collé alternativement sur les deux yeux) permettra de dépister une éventuelle différence de comportement. Le fait de cacher l’œil sain peut déclencher une réaction de défense à l’occlusion (pleurs, retrait de l’occlusion, etc.), suggérant une éventuelle amblyopie (anomalie corticale du développement de la vision, diagnostiquée par une différence de comportement ou d’acuité visuelle entre les deux yeux). Toute pathologie induisant une compétition entre les deux yeux peut être responsable d’une amblyopie : privation (cataracte, pathologie maculaire – cicatrice de toxo-plasmose), neutralisation (strabisme induisant un croisement des axes visuels à l’origine d’une neutralisation pour supprimer la diplopie) ou perte de sensibilité (amétropies). Un test d’évaluation comportementale de la vision, appelé bébévision ou test de Teller, peut être proposé chez les enfants à partir de l’âge de 4 à 6 mois. Il ne s’agit cependant pas d’un test quantitatif permettant de définir une acuité visuelle. Ce test est intéressant dans le suivi d’une éventuelle amblyopie mais très peu efficace en dépistage car long et fastidieux.
68Le test le plus sensible pour dépister des anomalies visuelles chez l’enfant reste la mesure de réfraction objective sous cycloplégique (ou skiascopie). Les capacités d’accommodation étant très importantes chez le petit enfant, une mesure correcte de la réfraction (puissance nécessaire à une vision de loin sans correction) nécessite une paralysie de l’accommodation ou cycloplégie. La cycloplégie peut être obtenue soit par l’instillation de cyclopentolate, soit par l’instillation d’atropine. Tous les cycloplégiques entraînent une mydriase et permettent ainsi la réalisation d’un fond d’œil.
Ce test mesure l’amétropie objective (myopie, hypermétropie, astigmatisme) aux deux yeux sans accommodation. Le risque de strabisme ou d’amblyopie est augmenté en cas d’hypermétropie forte (supérieure à 3,5 dioptries), d’astigmatisme important (supérieur à 1,5 dioptrie) ou d’anisométropie (différence de 1,0 dioptrie entre les deux yeux). Dans ces cas, la prescription de la correction optique totale est indiquée. La mesure de la réfraction objective sous cycloplégique est un élément important de dépistage des amétropies, mais aussi du strabisme et de l’amblyopie. Elle est formellement indiquée en cas de strabisme ou d’anomalies des examens de dépistage et devrait être pratiquée chez tout enfant entre 9 et 12 mois.
C Examen de l’enfant (après 2 ans)
À l’âge verbal, l’examen clinique se simplifie avec la possibilité de réaliser une acuité visuelle sans et avec correction, afin de mettre en évidence une éventuelle amétropie. L’examen recherche une anisoacuité (différence d’acuité visuelle entre les deux yeux) ou une acuité visuelle insuffisante aux deux yeux (l’acuité visuelle « adulte » de 10/10es n’est obtenue qu’entre 4 et 6 ans). Une acuité visuelle verbale devrait être réalisée à 2-3 ans et 5 ans chez tous les enfants afin de dépister une amétropie et/ou une amblyopie.
La myopie se traduit habituellement par une baisse de la vision de loin. La gêne induite augmente avec l’âge, et l’utilisation de plus en plus fréquente de la vision de loin. L‘hypermétropie se traduit par une asthénopie (douleurs oculaires, céphalées, yeux rouges plus marqués en fin de journée). La vision de loin et de près est souvent conservée du fait d’une très forte capacité d’accommoder. Lorsque l’enfant n’arrive plus à accommoder, la baisse de vision de loin et de près peut alors être observée. L’astigmatisme se traduit par une distorsion des images, gênante de loin comme de près.
Malgré la coopération obtenue chez un enfant verbal lors de la correction optique, la réalisation d’une réfraction objective sous cycloplégique reste souvent nécessaire devant les fortes capacités d’accommodation des enfants qui perturbent la fiabilité des tests standard. Les troubles de la réfraction sont corrigés en fonction de leur intensité et de la gêne fonctionnelle induite. Un trouble de la réfraction corrigé permet d’obtenir une acuité visuelle normale (en mono- et binoculaire avec la correction). Si l’acuité visuelle n’atteint pas la norme pour l’âge, une pathologie ophtalmologique (trouble de la transparence ou amblyopie) doit être recherchée et traitée.
Le dépistage du strabisme et de l’amblyopie reste toujours une priorité chez le petit enfant. Un test de vision binoculaire (Lang, Randot) peut être réalisé. La normalité de ces tests permet d’éliminer un strabisme permanent.
La sémiologie classique ophtalmologique reposant sur les notions de baisse d’acuité visuelle et de douleurs va petit à petit pouvoir être appliquée à l’enfant au cours de sa maturation. Cependant, même à l’âge verbal, les enfants ne sont pas toujours capables d’exprimer ces symptômes ophtalmologiques classiques, comme la douleur et l’œil rouge, rendant certains diagnostics très tardifs (comme les uvéites pédiatriques). Des examens cliniques systématiques (examen à la lampe à fente et fond d’œil) sont ainsi programmés chez un enfant dans un contexte de maladie systémique pouvant donner une uvéite (arthrite juvénile infantile, positivité HLA B27, sarcoïdose, etc.), même en l’absence de signes d’appel. Un examen ophtalmologique est toujours indiqué chez l’enfant face à un œil rouge, même en l’absence de douleurs ou de baisse d’acuité visuelle ressentie.
Compléments en ligne
Parmi les éléments suivants, quels sont ceux habituellement retrouvés à 3 mois lors du développement visuel normal ?
Parmi les éléments suivants, lesquels sont souvent associés à une amblyopie ?
Quelles sont les causes fréquentes de leucocorie ?)
Quelles pathologies sont associées à un larmoiement chez le nourrisson ?
Quels sont les principaux signes d’un glaucome congénital chez le nourrisson ?
À quel âge est-il recommandé de mesurer l’acuité visuelle chez un enfant ?
Compléments en ligne
Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils sont indiqués dans le texte par un picto. Pour voir ces compléments, connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/ e-complements/478662 et suivez les instructions.

Un nourrisson est photographié de face, sous une lumière directe. Ce qui saute aux yeux, c’est la différence entre les deux pupilles. Celle de gauche paraît normale, sombre, sans reflet suspect. En revanche, celle de droite montre une tache blanche bien centrée. Ce genre de reflet clair n’est pas habituel et doit toujours faire penser à une leucocorie. C’est souvent le signe d’un problème sérieux, comme une cataracte présente dès la naissance. Si elle n’est pas repérée à temps, cela peut empêcher l’œil de se développer correctement. L’image montre à quel point un simple reflet peut alerter sur un trouble visuel qui demande une réaction rapide. Un examen dans les premières semaines est essentiel pour éviter des conséquences à long terme.