CHAPITRE 5: Item 102 Diplopie
Pr V. Touitou, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris
Situations cliniques de départ
La diplopie peut être rencontrée dans les situations cliniques suivantes :
27 – Chute de la personne âgée : tout comme la cataracte ou la DMLA, la survenue d’une diplopie chez un patient âgé est un facteur favorisant les chutes. Il convient de savoir la reconnaître et la prendre en charge rapidement, non seulement d’un point de vue étiologique pour éliminer les urgences potentielles (anévrisme, maladie de Horton), mais également pour limiter ce risque de chute avec les conséquences que cela implique.
42 – Hypertension artérielle : la diplopie par atteinte microvasculaire peut être l’une des modalités de découverte d’une hypertension artérielle déséquilibrée ou méconnue.
139 – Anomalies palpébrales :.
143 – Diplopie : la diplopie peut révéler de nombreuses affections locales ou générales, dont certaines relèvent de l’urgence vitale qu’il conviendra de reconnaître ainsi que dans les AVC.
148 – Goitre ou nodule thyroïdien : parmi les nombreuses affections systémiques pouvant être révélées par une diplopie, la maladie de Basedow est une cause classique. La diplopie dans ce cas est souvent associée à une exophtalmie, une rétraction palpébrale et une hyperhémie conjonctivale. Toutefois, une diplopie isolée est également possible. Il conviendra de rechercher systématiquement une neuropathie optique associée.
172 – Traumatisme crânien : les diplopies post-traumatiques dans le cas d’un traumatisme crânien concernent le plus souvent le IV. Le VI et le III sont possibles, mais plus rares. La prise en charge (par cache puis prisme) de ces déviations est essentielle à connaître, d’autant que la récupération peut être lente, sur plusieurs mois.
178 – Demande raisonnée et choix d’un examen diagnostique : les causes d’une diplopie sont extrêmement variées (atteinte musculaire, neuromusculaire, nerveuse, nucléaire ou supranucléaire). Chacune de ces localisations est associée à des étiologies spécifiques (myasthénie, thyroïde, pathologie neurovasculaire, tumorale, inflammatoire, infiltrative) et il convient de choisir les examens diagnostiques appropriés lors du bilan étiologique.
86186 – Syndrome inflammatoire aigu ou chronique.
203 – Élévation de la CRP : la maladie de Horton ou artérite à cellules géantes est l’une des causes qui devra être éliminée en urgence devant tout patient de plus de 50 ans avec une diplopie.
208 – Hyperglycémie : la découverte d’un diabète ou d’une hyperglycémie non contrôlée est fréquente au cours du bilan de diplopie d’origine microvasculaire.
226 – Découverte d’une anomalie du cerveau à l’examen d’imagerie médicale.
230 – Rédaction de la demande d’un examen d’imagerie.
233 – Identifier/reconnaître les différents examens d’imagerie (type, fenêtre, séq uences, incidence, injection) : tous les patients présentant une diplopie bénéficieront, au cours de leur bilan, d’une imagerie cérébrale. Celle-ci doit néanmoins être guidée par l’examen clinique de la diplopie qui permet une localisation précise de la lésion recherchée. En cas de paralysie du III, une angio-IRM cérébrale ou un angioscanner permettront d’éliminer un anévrisme de la communicante postérieure; en cas d’atteintes multiples des nerfs crâniens, l’IRM cérébrale s’attachera à l’exploration du sinus caverneux, de la loge parasellaire et de l’apex orbitaire, par exemple. L’injection de produit de contraste est une aide précieuse au diagnostic, permettant notamment de mieux visualiser certaines lésions tumorales ou inflammatoires, ou de préciser le degré d’activité inflammatoire au niveaux des muscles oculomoteurs en cas d’orbitopathie dysthyroïdienne, par exemple.
251 – Prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale : la maladie de Horton constitue une urgence diagnostique et thérapeutique.
Hiérarchisation des connaissances
| Rang | Rubrique | Intitulé et descriptif |
| A | Identification de l’urgence | Face à un déficit neurologique récent, identifier une situation d’urgence et connaître les principes de prise en charge Savoir évoquer une paralysie du III et rechercher un anévrisme intracrânien sur un ptosis douloureux |
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Anatomie | Connaître l’anatomie des muscles et des nerfs impliqués dans l’équilibre oculomoteur |
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Physiopathologie | Connaître la systématisation des nerfs crâniens III, IV, VI et du faisceau longitudinal médial |
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Diagnostic positif | Reconnaître la diplopie monoculaire et binoculaire Réaliser un examen oculomoteur Interpréter un Lancaster |
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Diagnostic positif | Connaître les modalités du diagnostic d’une myasthénie Connaître les symptômes révélateurs les plus fréquents et les plus évocateurs (oculaires, bulbaires, muscles respiratoires) avec fatigabilité ou variabilité dans le temps |
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Diagnostic positif | Connaître les signes cliniques présents dans les fractures du plancher de l’orbite |
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Diagnostic positif | Connaître la définition des tests cliniques ophtalmologiques : cover-test, reflet cornéen, mouvement de restitution, examen au verre rouge Connaître la définition des ductions et des vergences Connaître la définition des tropies |
| A | Diagnostic séméiologique | Chercher les signes associés Identifier l’origine musculaire, nerveuse ou centrale d’un trouble oculomoteur |
| A | Étiologies | Chercher les éléments d’orientation étiologique à l’interrogatoire Connaître les étiologies urgentes Connaître les étiologies les plus fréquentes (hors urgence) |
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Étiologies | Devant une diplopie, savoir rechercher les principaux signes associés à valeur étiologique |
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Étiologies | Connaître les principales causes de strabisme de l’enfant |
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Prise en charge | Connaître le traitement des urgences (anévrisme, Horton, apoplexie, myasthénie) |

I Définition
La diplopie est la vision double d’un objet unique. Nous nous intéresserons aux diplopies binoculaires, c’est-à-dire qui ne sont présentes que les deux yeux ouverts et disparaissent à l’occlusion de l’un ou de l’autre œil.
Une diplopie monoculaire (fig. 5.1A) persiste en revanche à l’occlusion de l’œil disparaît à l’occlusion de l’œil atteint. Elle peut avoir une cause :
cornéenne : astigmatisme important, taie, kératocône; irienne (iridodialyse traumatique); cristallinienne (cataracte nucléaire, implant décentré); rarement, maculaire (membrane épirétinienne tractionnelle).

A. Diplopie monoculaire : l’œil gauche voit en permanence une image dédoublée, du fait de la diffraction des rayons au niveau de la cornée, de l’iris ou du cristallin; la diplopie disparaît à l’occlusion de l’œil gauche, mais persiste à l’occlusion de l’œil droit. B. Diplopie binoculaire : l’objet fixé par l’œil droit le projette sur la macula; du fait de la perte de parallélisme des deux yeux, ce même objet se projette en dehors de la macula de l’œil droit : chaque œil voit donc une image unique et la diplopie disparaît à l’occlusion de n’importe lequel des deux yeux.
Ce schéma illustre deux façons bien différentes de voir double, un phénomène qu'on appelle la diplopie. Dans la première partie (A), on regarde l’œil droit séparément, et on s’aperçoit qu’il envoie deux images d’un même objet, alors que l’œil gauche n’a aucun souci : c’est ce qu’on appelle une diplopie monoculaire. Elle reste visible même quand on ferme un œil, ce qui signifie que le problème vient uniquement de cet œil-là — souvent à cause d’un souci au niveau de la cornée ou du cristallin, comme une cataracte. Dans la deuxième situation (B), c’est une diplopie binoculaire : les deux yeux sont ouverts et l’image est dédoublée, mais dès qu’on ferme un œil, tout redevient net. Ce genre de problème est plutôt d’origine musculaire ou neurologique, quand les deux yeux ne bougent pas de façon bien coordonnée. Le schéma montre aussi la macula, cette petite zone qui permet de voir net au centre. On comprend ici que la manière dont les images se dédoublent aide à orienter vers la bonne cause.
Les diplopies binoculaires (fig. 5.1B), en revanche, sont un trouble du parallélisme oculomoteur, avec généralement une implication neurologique ou orbitaire requérant souvent une prise en charge urgente.
La duction est l’étude des mouvements musculaires monoculaires dans leurs différents champs d’action.
88L’abduction porte l’œil vers l’extérieur, latéralement en dehors.
L’adduction porte l’œil vers l’intérieur, latéralement en dedans.
Les versions sont l’étude des mouvements oculaires conjugués des deux yeux, de leur action bilatérale pour un regard dirigé dans la même direction.
Les vergences sont l’étude des mouvements oculaires de sens opposé des deux yeux. Il s’agit essentiellement de la convergence vers l’intérieur et de la divergence vers l’extérieur.
Une tropie est une déviation anormale permanente des axes du regard. L’ésotropie caractérise une perte du parallélisme axiale vers le dedans, et une exotropie vers le dehors.
Une phorie caractérise la même chose, mais de manière transitoire.
II Anatomie
Six muscles oculomoteurs assurent les mouvements de chaque globe oculaire :
B 89Nerfs oculomoteurs
Les six muscles oculomoteurs sont sous la dépendance de trois nerfs oculomoteurs :
Les noyaux des nerfs oculomoteurs sont situés dans le tronc cérébral.
Les muscles sont aussi coordonnés de manière conjuguée par :
- • des voies supranucléaires, qui relient des centres corticaux aux noyaux des nerfs oculomoteurs; il s’agit du centre de la latéralité, du centre de la verticalité, et du centre de la convergence ;
- • des voies internucléaires qui relient les noyaux oculomoteurs entre eux. Par exemple, le regard à latéral droit et le droit médial gauche; il fait intervenir des voies internucléaires reliant les noyaux du VI droit et du III gauche. Les voies internucléaires sont situées dans le faisceau longitudinal médian (« bandelette longitudinale postérieure »).
III Physiologie – Physiopathologie
Il existe, pour chaque œil, six muscles oculomoteurs auxquels il faut ajouter le muscle rele-veur de la paupière supérieure, ainsi que la motricité de la pupille et de l’accommodation. La commande nerveuse est volontaire ou automatico-réflexe et véhiculée par les trois nerfs crâniens oculomoteurs avec la répartition suivante :
A Champ d’action d’un muscle oculomoteur
C’est la position où son action est maximale et où l’étude clinique est la plus caractéristique. Schématiquement, les champs d’action sont pour chacun des muscles oculomoteurs (fig. 5.2 et 5.3 et tableau 5.1) :
Champs d’action des muscles oculomoteurs : caractéristiques de la diplopie en fonction du muscle atteint
| Muscle | DM (III) | DS (III) | DI (III) | OI (III) | OS (IV) | DL (VI) |
| Champ d’action | Dedans | Haut et dehors | Bas et dehors | Haut et dedans | Bas et dedans | Dehors |
| Diplopie | Horizontale croisée | Verticale | Verticale | Verticale | Verticale | Horizontale homonyme |
| Position compensatrice de la tête | Face tournée côté sain | Menton élevé | Menton abaissé côté sain | Tête en arrière, face tournée du côté sain Menton abaissé | Face inclinée côté sain | Tête tournée du côté atteint |

DI : droit inférieur; DL : droit latéral; DM : droit médial; DS : droit supérieur; OI : oblique inférieur; OS : oblique supérieur.

On a un schéma tout simple, vu de face, qui montre comment chaque muscle autour de l’œil participe à bouger le regard. Sur chaque œil, on voit d’abord les muscles droits : celui du haut fait lever l’œil, celui du bas le fait baisser, celui sur le côté extérieur l’emmène vers l’extérieur, et celui à l’intérieur, vers le nez. Et puis, il y a les deux obliques, qui eux ont un rôle plus subtil : ils aident à affiner les mouvements, surtout quand on regarde en biais. C’est vraiment la base pour comprendre pourquoi un œil peut partir dans une direction inhabituelle si un de ces muscles ne fonctionne pas bien. Ce genre de dessin, on l’utilise souvent en clinique ou en cours pour repérer facilement les problèmes de motricité oculaire.

Cette série d’images présente un examen visuel dynamique permettant d’évaluer le fonctionnement des muscles oculomoteurs des deux yeux. On observe un homme fixant successivement dans plusieurs directions, ce qui permet d’analyser la mobilité de chacun des globes oculaires. L’image A montre un regard droit, tandis que les suivantes illustrent les mouvements vers le haut (B), vers le bas (C), en haut à droite (D), en regard latéral droit (E), en haut à gauche (F), puis en bas à gauche (G). Chaque position testée sollicite un ou plusieurs muscles spécifiques. L’alignement, la symétrie et l’amplitude des mouvements sont soigneusement observés pour détecter d’éventuelles anomalies comme un strabisme, une limitation ou un déficit moteur.
C Vision binoculaire
1 Lois de Hering et de Sherrington
La vision binoculaire est assurée grâce à la synergie d’action entre muscles oculomoteurs : chaque muscle possède un antagoniste homolatéral et un synergiste (agoniste). Ces lois expliquent que, lors de mouvements binoculaires, l’influx nerveux est envoyé en quantités égales aux muscles agonistes des deux yeux; et que les muscles antagonistes se relâchent.
2 Correspondance sensorielle
Un objet se projette sur les deux yeux sur des points rétiniens dits « points rétiniens correspondants », permettant une localisation identique par les deux yeux. Par exemple, un objet situé dans le champ visuel droit est vu par deux points rétiniens correspondants situés sur la rétine nasale de l’œil droit et la rétine temporale de l’œil gauche; un objet situé droit devant est vu par les maculas des deux yeux.
Si le parallélisme des deux yeux disparaît, un objet fixé par la macula d’un œil sera fixé par une autre zone, extramaculaire, de l’autre œil; c’est la « correspondance rétinienne anormale » : le même objet est alors localisé de façon différente par les deux yeux, phénomène responsable d’une vision double (diplopie).
IV Diagnostic positif
Le sujet se plaint d’un dédoublement d’un objet, survenant toujours dans la même direction mais disparaissant à l’occlusion de l’un ou l’autre des deux yeux, et n’étant perçu que les deux yeux ouverts. Peuvent être associés à cette vision double : des céphalées, des vertiges, des nausées ou des vomissements.
Attention : la diplopie peut être méconnue lorsqu’il existe un ptosis ou un œdème palpébral, qui « occlut » l’œil paralysé et supprime ainsi l’une des deux images.
Attention : la diplopie peut être confondue avec un « flou » visuel lorsque les deux images sont très proches l’une de l’autre. Le diagnostic de diplopie se fait lorsque ce « flou » disparaît à l’occasion de l’un ou l’autre œil.
B Interrogatoire
- • le terrain : âge du patient; antécédents oculaires et généraux; recherche d’un diabète, d’une hypertension artérielle, d’une maladie métabolique ou endocrinienne, notamment thyroïdienne, d’un antécédent néoplasique;
- • 91les circonstances de survenue : notion de traumatisme, survenue lors d’un effort physique, à la lecture ou à la fatigue;
- • le mode de survenue : brutal ou progressif;
- • les signes associés : douleurs, vertiges, céphalées, nausées;
- • les caractères de la diplopie : horizontale, verticale, oblique, ainsi que la position du regard dans laquelle la diplopie est maximale et ses variations dans la journée.
C 92Inspection
L’inspection recherche une attitude vicieuse ou compensatrice de la tête : la tête se met spontanément dans le champ d’action du muscle atteint pour compenser la diplopie. On parle aussi de torticolis compensateur.
L’inspection recherchera une déviation du globe en position primaire, c’est-à-dire tête droite, axe visuel dirigé droit devant sur un point à l’infini. Par exemple, dans une paralysie du VI, l’œil est dévié en dedans (« strabisme paralytique convergent »). La recherche d’une déviation primaire est facilitée par l’étude des reflets cornéens : les reflets cornéens d’une source lumineuse dirigée sur les yeux d’un sujet normal se projettent tous deux au centre de la pupille. En cas de déviation, l’un des deux reflets n’est pas centré.
L’inspection recherche également des signes d’orientations étiologiques tels qu’une dilatation en tête de méduse des vaisseaux épiscléraux (signe de fistule), une exophtalmie (thyroïde ou tumeur), un ptosis (paralysie du III ou myasthénie), une anisocorie, un chémosis, une rétraction palpébrale.
D Examen oculomoteur
1 Examen de la motilité oculaire dans les différentes positions du regard
Cet examen sert à observer les six muscles oculomoteurs de chaque œil séparément (duc-tions) et de façon conjuguée (versions).
2 Examen sous écran ou cover-test
Cet examen consiste à demander au sujet de fixer un point situé droit devant lui au loin. Un œil est masqué par un cache, puis le cache est déplacé sur l’œil opposé (fig. 5.4 et vidéo 5.1)
. Chez le sujet dont le parallélisme oculomoteur est normal, on n’observe aucun mouvement de restitution.

A. L’œil gauche garde sa fixation quand on masque l’œil droit paralysé. B. Lorsque l’écran passe de l’œil droit à l’œil gauche, l’œil droit apparaît en convergence (paralysie du droit latéral). C. Mais rapidement, il prend la fixation à la place de l’œil gauche; cela provoque un mouvement de dedans en dehors (« mouvement de restitution »).
Ces trois vues séquentielles d’un test de couverture, ou cover-test, illustrent clairement une paralysie unilatérale du nerf abducens droit, responsable du mouvement latéral de l’œil. Sur la première image (A), l’œil gauche est couvert tandis que l’œil droit fixe droit devant lui. Dès que l’œil gauche est découvert (B), le regard du patient dévie vers la gauche, signe que l’œil droit n’a pas maintenu l’alignement en raison d’un déficit de l’abduction. Sur la troisième photo (C), on note une correction du regard vers l’avant, confirmant une faiblesse musculaire latérale droite. L’ensemble de cette séquence photographique correspond à un examen clinique ophtalmologique simple mais crucial, permettant de diagnostiquer un trouble oculomoteur lié à une atteinte du sixième nerf crânien. La précision des prises de vue, centrées sur l’axe visuel, illustre un processus clinique authentique observé en consultation neuro-ophtalmologique.
En cas de strabisme paralytique, l’œil masqué n’est pas dirigé dans la direction de l’œil découvert; ainsi, lorsqu’on lève l’écran, l’œil non fixateur apparaît d’abord dévié puis se redresse pour prendre la fixation (« mouvement de restitution »); la direction du mouvement de restitution permet de détecter le muscle paralysé.
Par exemple, en cas de paralysie du VI, les yeux sont en convergence; l’œil occlus, dévié en convergence, reprend sa position de fixation par un mouvement en dehors quand l’occlusion est levée et portée sur l’autre œil.
3 93Examen au verre rouge
Cet examen consiste à placer un verre rouge devant un œil (par convention devant l’œil droit, vidéo 5.2) alors que le sujet fixe, de son œil gauche découvert, un point lumineux blanc en face de lui (fig. 5.5).

Un verre rouge est placé devant l’œil droit du patient; on lui demande de fixer une lumière blanche. Le patient qui a une diplopie binoculaire verra de façon dédoublée, c’est-à-dire une lumière blanche, et une rouge (alors qu’en l’absence de diplopie binoculaire, il verra une seule lumière, de coloration rose).
L’ensemble des trois photographies cliniques présente une méthode d’examen connue sous le nom de test au verre rouge, utilisée dans l’évaluation de la vision binoculaire et des troubles de la motricité oculaire. Dans la première scène, un homme tient un filtre rouge devant son œil gauche, ce qui permet de filtrer la lumière perçue par cet œil. Dans la deuxième image, une patiente réalise la même procédure tout en fixant un stylo lumineux, élément central du test pour détecter la diplopie. Enfin, sur la troisième photo, un professionnel de santé tient le filtre rouge devant l’œil d’un patient assis face à une grille lumineuse de Hess-Lancaster, dispositif essentiel pour cartographier les déviations oculaires dans l’espace visuel. Cette série d’examens est menée dans un cadre spécialisé, avec précision et calme, afin d’observer la perception de points lumineux par chaque œil séparément puis simultanément, en vue d’établir un diagnostic de paralysie ou d’incoordination musculaire oculaire.
Un verre rouge est placé devant l’œil droit du patient; on lui demande de fixer une lumière qu’il verra dédoublée, l’une blanche, l’autre rouge en cas de paralysie oculomotrice (alors qu’en l’absence de paralysie oculomotrice, il verra une seule lumière, de coloration rose).
Normalement, les deux images sont confondues dans toutes les positions du regard et le patient ne voit qu’un seul point lumineux. En cas de déséquilibre oculomoteur, les deux points 94sont séparés : le patient voit un point rouge et un point blanc et on peut analyser le décalage pour reconnaître le muscle déficitaire.
On parle de diplopie homonyme lorsque le point rouge est vu à droite du point blanc; elle correspond à un œil en convergence (par exemple paralysie du VI).
On parle de diplopie croisée lorsque la lumière rouge est vue à gauche du point blanc; elle correspond à un œil en divergence (par exemple paralysie du III).
L’écart entre les deux images augmente dans le champ d’action du ou des muscles paralysés, permettant de déterminer les muscles atteints.
4 Test de Hess-Lancaster ou test de Lancaster
Ce test permet de faire immédiatement le diagnostic de l’œil et des muscles paralysés et de reconnaître les hyperactions musculaires secondaires à la paralysie :
- • schématiquement, un verre de couleur différente est placé devant chaque œil du patient, verre rouge sur un œil, vert sur l’autre; le patient doit déplacer sur un écran une flèche lumineuse, vue rouge, et la superposer à une flèche lumineuse, vue verte, déplacée par l’examinateur;
- • on obtient un relevé graphique de l’oculomotricité dans les différentes positions du regard (fig. 5.6) :

Fig. 5.6 Test de Hess-Lancaster.
A. Tracé normal : les deux carrés, correspondant chacun à un œil, sont de même taille et parfaitement symétriques. B. Parésie du droit latéral de l’œil droit (flèche pleine). C. Paralysie complète du droit latéral de l’œil droit (flèche pleine). Dans les deux cas, le carré de l’œil paralysé apparaît plus petit (flèche pleine). Les tracés mettent en évidence l’hypoaction du droit latéral droit (flèche pleine) et l’hyperaction du droit médial gauche (flèche en pointillés).Cette série de trois représentations issues du test de Hess-Lancaster montre différentes configurations de perception spatiale binoculaire évaluées chez un patient, en distinguant les réponses de l’œil gauche (OG) et de l’œil droit (OD). Dans la première planche (A), les deux grilles centrales apparaissent bien superposées, traduisant une correspondance normale entre les axes visuels. Dans la seconde planche (B), un décalage est visible entre les tracés perçus par les deux yeux, indiquant une déviation oculaire de type ésotrope avec une orientation vers la droite médiale du champ OG et vers la droite latérale du champ OD. Enfin, dans la troisième planche (C), les flèches rouges signalent une hétérophorie associée à une réduction du champ moteur de l’œil droit, suggérant un déficit musculaire possible. Le test ici présenté est une représentation fonctionnelle graphique utilisée en ophtalmologie pour explorer les déséquilibres oculomoteurs et les diplopies, en utilisant une projection subjective sur quadrillage orthonormé, chaque œil étant stimulé indépendamment par des filtres de couleurs distinctes.
Ce test permet de faire le diagnostic de la paralysie oculomotrice (POM), de déterminer le côté de cette paralysie, d’objectiver le ou les muscles paralysés. C’est de plus un examen qui permet de suivre l’évolution de la paralysie par des relevés successifs.
5 Exploration de la motricité intrinsèque
Cette exploration est nécessaire à toute paralysie oculomotrice.
L’inspection doit rechercher une inégalité pupillaire (= anisocorie).
Concernant les réflexes pupillaires, le réflexe photomoteur ou réponse pupillaire à la lumière nécessite l’éclairement d’un œil qui entraîne :
V 9596Diagnostic sémiologique
Les paralysies oculomotrices sont plus ou moins marquées; lorsqu’elles sont de faible degré, on parle de parésies. Elles touchent le plus souvent le tronc des nerfs oculomoteurs (paralysies tronculaires), entre la sortie du tronc cérébral et le globe oculaire.
Il faut toutefois souligner que toute lésion sur le trajet de l’oculomotricité entre les muscles et le cerveau peut être responsable d’une diplopie.
Il faut ainsi distinguer (de la périphérie vers le centre) :
B Atteinte de la jonction neuromusculaire
Les anomalies de la jonction neuromusculaire doivent toujours être suspectées, quel que soit le tableau clinique.
Une atteinte de la jonction neuromusculaire peut mimer tout type d’atteinte oculomotrice (limitation isolée d’élévation ou d’abaissement, d’abduction ou d’adduction, uni- ou bilatérale). Ce diagnostic est évoqué en particulier s’il existe un ptosis associé (uni- ou bilatéral), des fluctuations dans la journée ou d’un jour à l’autre, des troubles de la déglutition, une modification de la voix ou une atteinte d’autres muscles, en particulier de la nuque. Mais l’atteinte oculaire peut être purement isolée.
Cliniquement, un test de fatigabilité dans le regard prolongé vers le haut qui majore le ptosis ou bien le trouble oculomoteur est évocateur.
C Atteinte des nerfs III, IV ou VI
La paralysie totale du III (fig. 5.7) provoque du côté pathologique un ptosis total (pouvant d’ailleurs masquer la diplopie : ptosis dit « providentiel »), une divergence marquée, une paralysie de l’élévation et de l’abaissement de l’œil (les seuls muscles encore fonctionnels sont le droit latéral et l’oblique supérieur), une mydriase aréflective, une perte de l’accommodation. Des paralysies partielles du III sont possibles :




En position primaire ( ), un ptosis complet (« ptosis providentiel ») existe. Lorsqu’on soulève la paupière, l’œil gauche apparaît en divergence et présente une mydriase ( : œil droit, : œil gauche en mydriase et en divergence). L’ophtalmoplégie de l’œil atteint est presque complète, avec une limitation des mouvements oculaires dans presque toutes les positions du regard (D–F); seuls sont conservés les mouvements en dehors (sous la dépendance du VI) et en bas et en dedans (sous la dépendance du IV) (G, H). Impossibilité d’élever, d’abaisser et de porter en dedans le globe.
Cette série photographique clinique illustre une paralysie complète du nerf oculomoteur gauche (nerf crânien III), affectant à la fois ses fonctions extrinsèques et intrinsèques. L’image A montre une ptôse palpébrale gauche marquée avec œdème périorbitaire, évoquant une atteinte aiguë. L’image B met en évidence une pupille gauche en mydriase aréactive à la lumière, traduisant une atteinte parasympathique. L’image C confirme ce constat avec une absence de réaction pupillaire et un aspect diffusement trouble du segment antérieur. Les images D à H exposent une limitation nette des mouvements oculaires du côté gauche : l’œil reste en position abduite avec une impossibilité de le diriger vers le haut, le bas ou le dedans. Cette position fixée résulte de l’action non opposée des muscles droit latéral et oblique supérieur. L’œil droit, quant à lui, conserve une motricité intacte dans toutes les directions, soulignant le déficit moteur complet à gauche. Ce tableau est caractéristique d’une atteinte complète du nerf III incluant les fibres somatiques et parasympathiques.
- • soit atteinte ne touchant qu’un ou plusieurs muscles;
- • soit paralysie du III extrinsèque, touchant les muscles oculomoteurs;
- • 97soit paralysie du III intrinsèque, responsable d’une mydriase, ou à un moindre degré d’une simple inégalité des deux diamètres pupillaires (anisocorie), et d’une paralysie de l’accommodation.
2 Paralysie du IV
Le patient présente une diplopie verticale et oblique, accentuée dans le champ du muscle oblique supérieur concerné, c’est-à-dire en bas et en dedans.
Il s’agit d’une diplopie très gênante, car invalidante dans les activités comme la lecture ou la descente des escaliers.
La position compensatrice de la tête est inclinée du côté sain, menton abaissé.
3 Paralysie du VI
Cette paralysie provoque une convergence de l’œil atteint et un déficit de l’abduction (fig. 5.8). La position compensatrice de la tête est tournée du côté de la paralysie oculomotrice.

A. En position primaire, l’œil droit paralysé est en convergence (flèche). B. Abolition complète de l’abduction de l’œil droit dans le regard à droite (flèche pointillée). C. Conservation de l’adduction de l’œil droit dans le regard à gauche (flèche pleine).
Sur cette série de clichés, l’analyse du regard dans les différentes directions met en évidence une limitation nette de l’abduction de l’œil droit. En position primaire du regard (image A), les deux yeux semblent relativement centrés, mais une légère déviation convergente peut déjà être perçue à droite. Lors du regard vers la gauche (image B), les deux globes oculaires s’orientent normalement. En revanche, lors du regard vers la droite (image C), l’œil gauche effectue une abduction complète, alors que l’œil droit reste en position médiane, incapable de se déporter latéralement. Ce déficit traduit une paralysie du nerf crânien VI droit, responsable de l’activation du muscle droit latéral. L’aspect global des paupières et de la conjonctive reste par ailleurs sans particularité.
D Atteintes dites « centrales »
- •
Noyau du III : il associe un tableau de III du côté de la lésion et une limitation de l’élévation et un ptosis du coté controlatéral. Cela peut être expliqué par l’existence d’un noyau commun pour le releveur et le droit supérieur des deux côtés afin d’assurer un mouvement conjugué des deux yeux dans le regard vers le haut. - • 98Noyau du IV : on observe un tableau similaire à une paralysie du IV.
- • Noyau du VI : il associe une paralysie du VI (limitation d’abduction) et une atteinte du faisceau longitudinal médian (paralysie d’adduction de l’œil controlatéral). L’ensemble est responsable d’une paralysie de l’horizontalité dans une direction (adduction de l’œil controlatéral et abduction de l’œil homolatéral).
2 Paralysies internucléaires
Il s’agit notamment de l’ophtalmoplégie internucléaire (OIN) : le parallélisme des deux yeux est le plus souvent conservé en position primaire, alors qu’il existe un déficit de l’adduction d’un œil (homolatéral à la lésion) et que la convergence est normale (fig. 5.9). L’étiologie essentielle est la sclérose en plaques (SEP) avant 40 ans, et un infarctus cérébral (lacune) du tronc cérébral, en présence de facteurs de risques vasculaires et au-delà de 50 ans. Il existe en général un nystagmus en abduction de l’œil controlatéral.

Le parallélisme des deux yeux est conservé en position primaire (A), mais il existe une limitation de l’adduction de l’œil droit dans le regard latéral gauche (B) (flèche pointillée).
Sur cette paire d’images, on observe un trouble net de la coordination du mouvement horizontal des yeux. En position primaire (image A), les axes oculaires paraissent alignés. En revanche, lors du regard vers la droite (image B), l’œil droit effectue une abduction complète, avec un léger nystagmus en fin de course, tandis que l’œil gauche reste bloqué en position médiane, incapable de s’adduire. La flèche noire souligne cette adduction déficiente de l’œil gauche. Ce tableau est typique d’une paralysie internucléaire, secondaire à une atteinte du faisceau longitudinal médian. Ce type de lésion empêche la transmission du signal entre les noyaux des nerfs crâniens III et VI, entraînant une discordance oculomotrice caractéristique, souvent rencontrée dans le contexte de la sclérose en plaques ou d’un AVC.
VII 99100Étiologie
Les diplopies binoculaires résultent de pathologies pouvant affecter les muscles oculomoteurs (myosites, orbitopathie dysthyroïdienne, traumatismes par exemple), la jonction neuromusculaire (myasthénie, syndrome de Lambert Eaton), les nerfs oculomoteurs (anévrisme, tumeur, fistules par exemple) ou leurs noyaux (tumeur, AVC et maladies inflammatoires du système nerveux central type SEP).
A Étiologie des atteintes musculaires
Les fractures du plancher de l’orbite (fig. 5.10), avec hernie graisseuse et musculaire dans le foyer de fracture, sont les plus fréquentes.

A. Parallélisme conservé en position primaire. B. Blocage complet de l’élévation de l’œil droit (flèche pointillée). C. Examen tomodensitométrique : visibilité de la hernie du droit inférieur dans le trait de fracture (flèche pleine).
Sur les vues cliniques (A et B), un enfant présente une restriction marquée de l’élévation de l’œil droit. En regard primaire (A), l’alignement semble discretement altéré. En regard vers le haut (B), l’œil gauche monte normalement, tandis que l’œil droit reste abaissé, suggérant un emprisonnement du muscle droit inférieur dans le plancher orbitaire. L’image C montre un scanner en coupe coronale révélant une discontinuité osseuse du plancher de l’orbite droite avec hernie du contenu orbitaire vers le sinus maxillaire, visible sous la forme d’une saillie hypodense. La flèche rouge met en évidence cette brèche, compatible avec une fracture blow-out. L’ensemble du tableau est caractéristique d’un traumatisme orbitaire avec atteinte motrice mécanique.
L’élévation du globe est douloureuse et limitée.
La mobilisation passive du globe par traction du droit inférieur (test de duction forcée) est impossible du fait du blocage du droit inférieur dans le trait de fracture.
Les explorations neuroradiologiques visualisent le trait de fracture, voire la hernie graisseuse et musculaire sous forme d’une image en goutte dans le sinus maxillaire.
2 Orbitopathie dysthyroïdienne de Basedow
L’orbitopathie est une myosite qui touche surtout le droit inférieur et le droit médial, mais tous les muscles peuvent être atteints (voir chapitre 21). L’existence d’une exophtalmie et d’une rétraction palpébrale constitue un bon élément d’orientation vers cette étiologie.
B Étiologie des atteintes de la jonction neuromusculaire
Un ptosis de début souvent progressif, variable au cours de la journée, apparaît surtout à la fatigue. Il peut être unilatéral ou bilatéral. Le diagnostic repose sur :
La myasthénie doit faire rechercher un thymome associé.
Il est impératif de rechercher la présence de « signes bulbaires » de type respiratoire, fausses routes, dysphonie, qui constituent une urgence absolue.
C Étiologies des atteintes des nerfs crâniens
Les anévrismes intracrâniens, notamment anévrismes de la communicante postérieure et ané-vrlsmes carotidiens supraclinoïdiens, sont responsables de paralysies du III souvent associées à des céphalées.
Un anévrisme intracrânien doit tout particulièrement être suspecté :
- • devant une atteinte oculomotrice partielle, mais avec des signes pupillaires d’atteinte du III intrinsèque;
- • devant une paralysie intrinsèque et extrinsèque douloureuse, un anévrisme intracrânien, notamment de la communicante postérieure ou supraclinoïdien, doit être évoqué en extrême urgence. La paralysie est annonciatrice d’une fissuration de l’anévrisme avec un risque d’hémorragie sous-arachnoïdienne imminent;
- • chez un sujet jeune;
- • en présence de céphalées.
Dans ces cas, une exploration neuroradiologique en urgence par angioscanner ou angio-IRM s’impose; en cas de résultat négatif ou douteux, une artériographie cérébrale doit être envisagée s’il existe une forte suspicion clinique.
3 Tumeurs de la base du crâne
Ces tumeurs donnent des paralysies intraxiales, avec notamment des syndromes alternes comme le syndrome de Weber (paralysie du III + hémiplégie croisée avec paralysie faciale), ou des paralysies supranucléaires (paralysies de fonction comme le syndrome de Parinaud, des tumeurs épiphysaires, notamment pinéalome).
4 102Atteintes microvasculaires
Chez les patients de plus de 70 ans et chez les patients diabétiques, les atteintes dites microvasculaires (affectant les vasa nervorum) sont les plus fréquentes. Il convient de rechercher et d’équilibrer tous les facteurs de risques cardiovasculaires, et d’éliminer une artérite giganto-cellulaire (maladie de Horton).
5 Autres causes
De nombreuses autres causes peuvent être recherchées :
- • infectieuses (bactériennes, virales, fungiques, parasitaires);
- •
maladies inflammatoires systémiques (sarcoïdose, granulomatose avec polyangéite [maladie de Wegener], périartérite noueuse [PAN], maladie de Behçet, etc.); - •
vasculaires (fistules) : une fistule carotidocaverneuse (fig. 5.11),
souvent d’origine traumatique, mais d’apparition retardée, se traduit par une exophtalmie pulsatile, s’accom-pagnant d’un souffle perçu par le malade et retrouvé à l’auscultation de l’orbite et du crâne, une vasodilatation conjonctivale particulière, « en tête de méduse »; environ deux tiers des patients présentent une diplopie (atteinte directe des nerfs oculomoteurs dans le sinus caverneux ou des muscles oculomoteurs dans l’orbite); la confirmation du diagnostic repose sur l’artériographie carotidienne;

Fig. 5.11 Diplopie par fistule carotidocaverneuse.
A. Exophtalmie et limitation de l’adduction de l’œil droit. B. Exophtalmie caractéristique des fistules carotido-caverneuses par la présence d’une vasodilatation conjonctivale en « tête de méduse » (flèche).Sur l’image A, le patient présente une exophtalmie modérée gauche, associée à une limitation de l’abduction de l’œil atteint, soulignée par la flèche. Cette restriction s’inscrit dans un tableau de diplopie, évocateur d’un syndrome compressif ou vasculaire. L’image B, en vue rapprochée, met en évidence un chémosis marqué et une injection conjonctivale diffuse, avec dilatation tortueuse des vaisseaux épibulbaires, ce qui oriente fortement vers une fistule carotido-caverneuse. La flèche pointe une zone d’hyperhémie périkératique prononcée. Ce type de fistule, en créant un flux artério-veineux anormal au sein du sinus caverneux, provoque une congestion veineuse orbitaire, expliquant les signes visibles : œil rouge, bruit pulsatile, proptose et diplopie.
- •
apoplexie pituitaire : l’apoplexie hypophysaire est une urgence rare neuroendocrinienne résultant d’une hémorragie ou d’une nécrose de la glande hypophyse. Elle se manifeste par des céphalées brutales, violentes, avec photophobie, ptosis, paralysie oculomotrice et tableau pseudo-méningé.
E 103Cas particuliers : diplopies douloureuses
Il faut toujours penser en premier à un anévrisme intracrânien, une dissection carotidienne ou une fistule carotidocaverneuse, qui sont des urgences menaçant le pronostic vital. L’artérite à cellules géantes (ACG, ou maladie de Horton) se manifeste par :
- • des céphalées fronto-orbitaires;
- • une possible paralysie oculomotrice voire une neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA; voir chapitre 16).
VIII Conduite à tenir
En cas de diplopie récente, le bilan étiologique est prioritaire et repose sur un examen neurologique et une imagerie cérébrale.
Une paralysie du III avec phénomènes douloureux impose, notamment, une recherche en urgence d’un anévrisme intracrânien par une angio-IRM cérébrale ou un angioscanner cérébral. Les autres urgences à éliminer sont une artérite à cellules géantes (maladie de Horton – CRP), une apoplexie pituitaire (imagerie cérébrale) ou une myasthénie (anticorps anti-RAch recherche de thymome, EMG).
B Traitement
La prise en charge de la diplopie elle-même est différente selon la phase précoce, dans les premiers mois, et la phase tardive.
Dans la phase précoce, le traitement comporte :
- • suppression temporaire de la diplopie pour améliorer le confort du patient par occlusion de l’œil paralysé (Opticlude®, Ocusert®);
- • prismation lorsque cela est possible : la mise en place d’un prisme sur un verre de lunette permet de rétablir le parallélisme de rayons lumineux et de supprimer la diplopie, au moins en position primaire;
- •
injection de toxine botulique (paralysie du VI post-traumatique).
On ne proposera pas de rééducation orthoptique qui favoriserait les hyperactions compensatrices.
Dans la phase tardive, la régénérescence nerveuse doit être attendue en règle 6 mois à 1 an environ; passé ce délai, un traitement chirurgical est envisageable pour essayer de rétablir un parallélisme des yeux au moins en position primaire.
Remerciements. Le Collège des ophtalmologistes universitaires de France (COUF) remercie le Collège de neurologie et plus particulièrement le Pr Sibon et le Pr Tilikete pour leur relecture de ce chapitre. Il remercie l’équipe d’orthoptie de l’Ophtalmopôle de Cochin pour les vidéos de tests cliniques.
Compléments en ligne
La diplopie dans la maladie de Basedow est souvent associée à une ________.
Quelle est la principale cause de diplopie binoculaire chez les personnes âgées ?
Quel nerf est principalement impliqué dans la paralysie des regards vers le haut, vers le bas et en dedans ?
Comment examiner la motilité oculaire ?
Quelle pathologie est souvent associée à une exophtalmie et une diplopie ?
Quel est un signe fonctionnel de la paralysie du IV ?
Quel examen est essentiel pour éliminer un anévrisme vasculaire compressif en cas de paralysie du III ?
Quel muscle oculomoteur est affecté dans la paralysie du VI ?
Quel est un symptôme révélateur de la myasthénie dans le bilan étiologique d’une diplopie ?
Compléments en ligne
Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils sont indiqués dans le texte par un picto. Pour voir ces compléments, connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/ e-complements/478662 et suivez les instructions.
Vidéo 5.1. Cover test alterné, pratiqué en fixation de loin.
Source : Équipe d’orthoptie de l’Ophtalmopôle de Cochin.
Vidéo 5.2. Test au verre rouge, alterné, pratiqué en fixation de loin.